Duncan Carruthers-Lay a fait un don qui l’a non seulement profondément ému, mais qui a façonné son avenir professionnel.
Le doux ronronnement de la machine est presque apaisant. Le bruit de fond appelle au sommeil. Duncan Carruthers-Lay a de plus en plus de mal à se concentrer. Il étudie pour un examen, l’un des derniers de son cours de premier cycle en microbiologie à l’Université de Guelph. Normalement, il devrait être enfermé dans sa chambre pour réviser. Au lieu de cela, il est dans un hôpital de Toronto, des aiguilles dans les deux bras, branché à une machine qui lui prélève des cellules souches.
Les cellules souches, en particulier les cellules souches du sang, sont des cellules immatures qui ont la capacité de se transformer en n’importe quelle cellule circulant dans le sang. Elles sont utilisées pour traiter plus de 80 maladies, dont plusieurs potentiellement mortelles.
Bien des gens croient qu’un don de cellules souches est forcément un don de moelle osseuse; autrement dit, que les cellules sont toujours prélevées dans les os du bassin. Mais ce n’est pas du tout le cas : seulement 20 % des donneurs subissent cette intervention. La plupart du temps, ils n’ont qu’à s’administrer quelques injections dans les semaines précédant le don, comme l’a fait Duncan.
Le jeune homme n’aime pas particulièrement les piqûres, « mais je me suis habitué, dit-il. Les personnes atteintes de diabète le font tout le temps. »
Les injections avaient pour objectif de stimuler la production de cellules souches dans son sang afin que, pendant le prélèvement — qui a duré environ huit heures —, la machine puisse prélever du sang de son corps, en extraire les cellules souches et lui rendre les autres composants.
« J’avais plusieurs balados, et ma partenaire était là pour m’aider à passer le temps. C’est beaucoup d’heures sans bouger, fait remarquer Duncan. J’ai souvent donné du sang, mais je n’avais jamais eu une aiguille dans le bras aussi longtemps. Ça m’inquiétait un peu, mais en réalité, on les oublie assez vite. »
Hormis un peu d’inconfort lorsque son taux de calcium a chuté — un effet secondaire temporaire courant des anticoagulants administrés pour prévenir la formation de caillots —, Duncan n’a ressenti aucune douleur. Il admet avoir été quelque peu fatigué et endolori après l’intervention, « mais c’était simplement comme après un bon entraînement au gym », illustre-t-il.
Après avoir passé quelques tests et reçu une prescription de suppléments de calcium, il était prêt à rentrer chez lui.
De donneur de sang à donneur de cellules souches
Le parcours de Duncan vers le don de cellules souches a commencé à l’école secondaire. C’est à cette époque qu’il a rejoint la chaîne de vie du Canada en tant que donneur de sang.
« Je le dis à tout le monde : il n’y a rien de plus facile que de donner du sang. Connaissez-vous un autre moyen d’aider vraiment quelqu’un en restant assis dans un fauteuil? Si vous êtes admissible et en bonne santé, allez-y », lance Duncan.
Quelques années après son premier don de sang, Duncan, 19 ans, a participé à une collecte de sang à l’Université de Guelph, en Ontario. Les donneurs étaient invités à s’inscrire au Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang.
« Beaucoup de gens disent vouloir faire une différence, mais c’était la première fois que j’avais vraiment l’impression d’en faire une. »
Le registre canadien puise dans ses propres données et dans celles d’autres registres similaires à travers le monde pour jumeler les candidats au don à des patients qui n’ont pas de donneur compatible dans leur famille, ce qui constitue la majorité des patients. Pour s’inscrire, il faut avoir entre 17 et 35 ans, mais les personnes inscrites peuvent être appelées à faire un don jusqu’à l’âge de 60 ans. L’inscription est gratuite.
Duncan s’est inscrit sur-le-champ. Il a fourni ses coordonnées, prélevé des cellules à l’intérieur de ses joues pour l’analyse des marqueurs d’ADN, puis n’y a plus repensé.
Ce que signifie un jumelage
Trois ans plus tard, Duncan reçoit un courriel de la Société canadienne du sang lui apprenant qu’il est peut-être compatible avec un patient.
À ce moment-là, Duncan ne sait pas exactement ce que cela signifie. Est-il le seul espoir de quelqu’un? Y a-t-il des centaines d’autres personnes potentiellement compatibles? Ce qu’il sait, grâce à certains cours de son programme d’études, c’est à quel point un don de cellules souches est vital pour une personne qui en a besoin.
« On ne fait pas un don de cellules souches pour aider quelqu’un qui a un rhume. C’est une solution de dernier recours pour des gens vraiment malades, explique Duncan. Je me suis dit que s’il y avait une chance que je puisse faire un don, je le ferais. »
« Si quelqu’un est atteint d’une leucémie ou d’un cancer et que je suis son dernier espoir, je ne vais pas dire : “Désolé, je suis trop occupé.” »
La Société canadienne du sang soutient et guide les personnes inscrites qui se révèlent compatibles avec un patient. Ces personnes n’ont rien à payer, ni pour les analyses ni pour aucune autre partie du processus de don. Par exemple, si un donneur doit se rendre dans une autre ville ou province, ses frais de déplacement, de nourriture, d’hébergement et autres sont couverts.
Comme la plupart des gens qui sont choisis comme donneurs compatibles, Duncan s’est senti honoré et spécial. Il s’est également senti comme une vedette : lorsqu’il s’est présenté pour les prises de sang requises avant son don, les huit infirmières de la clinique se sont portées volontaires pour aider!
Avantages du don de cellules souches
Le don de cellules souches est toujours anonyme, sauf si vous donnez pour un membre de votre famille. Il est toutefois possible pour un donneur et un receveur d’entrer en contact après un certain temps si les deux sont d’accord. Dans le cas de Duncan, c’est le receveur qui a voulu prendre contact.
« C’est quelqu’un qui vient d’une autre région du pays et qui a une vie totalement différente de la mienne, nous dit Duncan. Ce contact a totalement changé ma vision de mon don : au début, je voyais ça simplement comme quelque chose d’intéressant qui m’est arrivé, puis c’est devenu une expérience vraiment importante. J’ai eu l’impression d’avoir aidé quelqu’un pour vrai. »
L’expérience a changé non seulement sa façon de voir son don, mais également son choix de carrière. Duncan avait toujours eu un intérêt pour les soins de santé, mais uniquement pour son enrichissement personnel. Faire un don de cellules souches et ainsi avoir la possibilité de jouer un rôle clé dans une application concrète de la science l’a amené à repenser ce qu’il voulait faire de sa vie.
Dans le cadre de ses études, Duncan se rend chaque jour au laboratoire de l’hôpital pour mener des recherches sur les antibiotiques. Ce faisant, il passe quotidiennement devant l’hôtel où lui et sa partenaire ont séjourné avant et après son don. Cela lui rappelle chaque fois combien sa vie a changé et pourquoi.
« Beaucoup de gens disent vouloir faire une différence, mais c’était la première fois que j’avais vraiment l’impression d’en faire une. »
Ce que Duncan est trop modeste pour dire, c’est qu’il n’a pas seulement fait une différence, il a fait toute la différence.