Don de rein : une collaboration avec Air Canada prend son envol pendant la pandémie
L’aide du transporteur aérien national a permis à des patients en attente d’une greffe de recevoir des reins provenant de donneurs vivants
Dans le cadre de son Programme de don croisé de rein, la Société canadienne du sang est appelée à travailler avec les programmes provinciaux de don de rein vivant et de greffe de rein pour jumeler des patients en attente d’une greffe à des donneurs.
Avant la pandémie, les donneurs se rendaient au centre de transplantation où le receveur devait subir sa greffe. Par exemple, si un donneur de Toronto était compatible avec un patient de Vancouver, le donneur devait se rendre à Vancouver pour le prélèvement de son rein.
Lorsque l’Organisation mondiale de la Santé a élevé l’éclosion de COVID-19 au rang de pandémie, les programmes de greffe ont dû soudainement suspendre cette façon de procéder.
En mai 2020, les comités cliniques qui conseillent la Société canadienne du sang sur le don d’organe vivant et les activités de transplantation ont recommandé que les donneurs ne prennent pas les transports publics, comme l’avion ou le train, pour se rendre aux centres de transplantation.
Pour réduire les risques d’exposition au coronavirus, les comités ont plutôt préconisé que les donneurs usent de moyens de transport individuels ou, si ce n’était pas possible, qu’ils se rendent au centre de transplantation de leur région et que le rein soit prélevé à ce centre, puis acheminé jusqu’au receveur.
Qu’est-ce que le don croisé de rein?
Rôle de la Société canadienne du sang dans le don et la greffe d’organes et de tissus
Passer du transport de donneurs au transport d’organes a toutefois posé certains défis pour le Programme de don croisé de rein. Auparavant, explique Mme Parfeniuk, les reins des donneurs vivants étaient expédiés uniquement dans des circonstances exceptionnelles et généralement, ils voyageaient à bord de vols directs d’Air Canada.
« Nous avions besoin d’aide — et vite — pour que les patients puissent continuer de recevoir des greffes même si les donneurs ne pouvaient plus voyager, ajoute-t-elle. Sachant qu’Air Canada avait déjà transporté des reins pour certaines greffes, nos dirigeants les ont contactés pour voir s’ils pouvaient nous conseiller. »
An Air Canada pilot sits in the flight deck of a plane in March 2021, ready to take off from the Montréal-Trudeau International Airport.
Air Canada a non seulement accepté de collaborer avec la Société canadienne du sang pour réviser la procédure de transport d’organes humains, mais elle a aussi offert de commencer à transporter régulièrement des reins de donneurs vivants, et ce, sans frais.
C’est ainsi que depuis la reprise des activités, en juin 2020, le Programme de don croisé de rein a pu acheminer quatorze reins jusqu’à des patients aux quatre coins du pays.
« Sans l’aide d’Air Canada, ces greffes n’auraient pas pu avoir lieu », souligne Mme Parfeniuk, ajoutant que sept reins ont été acheminés par la compagnie et que cinq autres transports sont prévus en mars 2021.
Depuis juin 2020, Air Canada et la Société canadienne du sang travaillent également à l’élaboration d’un cadre définissant les obligations de communication du transporteur et des programmes de greffe, afin que chaque partie sache ce qu’elle a à faire à chaque étape du processus.
« Nous espérons que ce cadre donnera aux coordonnateurs de greffe l’assurance dont ils ont besoin pour expédier les reins en toute confiance », poursuit Mme Parfeniuk.
Par exemple, le cadre indique qu’après le décollage de l’avion, le transporteur transmettra des mises à jour en temps réel au coordonnateur de greffe, qui informera alors l’hôpital destinataire que l’organe est en route.
Le temps est compté dans ce genre de procédure : il a été démontré que les reins des donneurs vivants fonctionnent mieux lorsqu’ils sont greffés dans les seize heures suivant le prélèvement sur le donneur. Il est donc crucial que les coordonnateurs de greffe puissent suivre la progression de l’organe pour s’assurer qu’il arrivera à destination à temps.
Des procédures détaillées ont également été établies pour que les coordonnateurs et le transporteur sachent exactement quoi faire en cas d’imprévus : changement de vol, déroutements, retards ou interruptions.
A medical escort carries a donated kidney from the Centre Hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) onto an Air Canada flight in March 2021.
En soutenant la Société canadienne du sang et le système national de transplantation durant cette période sans précédent, Air Canada a saisi une occasion importante de faire en sorte que des services essentiels comme le transport et la greffe de reins puissent demeurer accessibles aux Canadiens qui en avaient besoin pendant la pandémie.
« La COVID-19 nous a forcés à revoir nos activités, souligne le Dr Jim Chung, médecin en chef d’Air Canada. Et notre collaboration avec la Société canadienne du sang pour le transport de reins du point d’origine du donneur au point de destination du receveur illustre bien que, malgré les nombreux obstacles dus à la pandémie, il y a toujours une solution et que le transport d’envois essentiels est toujours présent, une réalité que reconnaissent nos employés. »
« Voilà un exemple clair de la raison pour laquelle nous avons besoin d’une industrie aérienne robuste et saine, ajoute-t-il. Chaque semaine, nous transportons en moyenne trois organes vivants dans le poste de pilotage. Ces organes non accompagnés doivent être livrés en urgence. Nous transportons aussi chaque année des milliers d’organes vivants dans la soute à bagages pour des cas non urgents. »
Le changement pourrait être durable, éliminant le déplacement des futurs donneurs
Le succès de la collaboration d’Air Canada a donné à la Société canadienne du sang la motivation de déterminer si ce nouveau processus pourrait devenir permanent. Le Programme de don croisé de rein recueille actuellement des données sur les résultats pour les reins qui ont été expédiés dans le cadre de son partenariat avec Air Canada. Il veut présenter ces données à ses comités consultatifs dans l’espoir que l’expédition de reins demeure la norme dans un monde post-COVID-19.
« Nous tentons de recueillir le plus de données possible pour prouver que les résultats obtenus avec les reins expédiés sont tout aussi satisfaisants que si le donneur s’était trouvé dans la salle d’opération juste à côté de celle du receveur », explique Mme Parfeniuk.
L’expédition des reins présente des avantages certains pour les donneurs.
Selon Ian Goodall-George, qui a donné l’un de ses reins : « Permettre aux gens de donner dans leur propre localité, à leur propre centre de transplantation, pourrait tout changer pour le don d’organes vivants au Canada ».
Il y a environ huit ans, il donnait des plaquettes à un centre de donneurs de la Société canadienne du sang à Winnipeg, au Manitoba, quand il est tombé par hasard sur un dépliant qui parlait du don d’organe vivant. Comme il était toujours à l’affût de moyens de « redonner » à sa communauté, il s’est inscrit rapidement pour devenir un donneur sans receveur prévu. En un rien de temps, il a été jumelé à un patient de Toronto, en Ontario.
Qui peut faire un don d’organes de son vivant?
Il a cependant vite appris qu’il devrait se rendre à Toronto en avion à partir de Winnipeg pour le prélèvement de son rein. Bien que l’intervention comme telle se soit déroulée sans difficulté, le voyage n’en a pas été de même.
Pour commencer, à leur arrivée à Toronto, une violente tempête de neige a forcé l’avion dans lequel lui et son épouse se trouvaient à voler en cercle autour de l’aéroport pendant plusieurs heures avant de pouvoir atterrir en toute sécurité. Puis, après l’intervention, comme M. Goodall‑George se rétablissait un peu moins vite que prévu, ils ont dû payer pour plusieurs nuits supplémentaires dans un hôtel de Toronto.
Habituellement, les donneurs paient leurs frais de déplacement, d’hébergement et autres, puis demandent un remboursement au Programme de remboursement des dépenses des donneurs vivants de leur province. Toutefois, le remboursement n’est pas immédiat et il y a un montant limite pour chaque catégorie.
Enfin, lorsque M. Goodall-George est rentré à Winnipeg dans un avion bondé seulement quelques jours après l’intervention, l’expérience a été « pour le moins inconfortable », selon ses dires.
« Si j’avais pu rester à Winnipeg pour donner mon rein, j’aurais eu beaucoup plus de soutien, affirme-t-il. Mon épouse aurait pu me déposer à l’hôpital et nous n’aurions pas eu à organiser le gardiennage pour la semaine où nous avons été absents. Je crois que la situation aurait été moins stressante pour tous les membres de la famille. »
Malgré ces inconvénients, il sera « éternellement reconnaissant » d’avoir eu la chance de donner son rein et de sauver une vie. Si, toutefois, l’on facilitait les choses pour les donneurs, ce serait une bonne nouvelle pour les nombreux patients en attente d’une greffe.
« Je crois que si les donneurs n’avaient pas à prendre l’avion pour donner leur rein, les gens seraient beaucoup plus enclins à s’inscrire comme donneurs d’organe potentiels », conclut-il.