Résumé

Contexte

La modélisation mathématique des risques que pose la révision des critères d’admissibilité au don de sang et de plasma des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) s’impose, à la fois en raison du contexte actuel lié à l’innocuité du sang et de l’éventualité que d’autres stratégies de réduction des risques (p. ex. inactivation des agents pathogènes) soient appliquées à l’avenir. La modélisation mathématique peut servir à estimer le niveau de risque auquel on peut s’attendre dans différentes conditions. Les systèmes d’approvisionnement en sang du Canada envisagent de recourir à l’inactivation des agents pathogènes comme protection supplémentaire contre les infections par transfusion. Lorsqu’elles sont appliquées après le prélèvement du sang, ces techniques peuvent inactiver un grand nombre de pathogènes, dont le VIH, le virus de l’hépatite B et le virus de l’hépatite C. Elles peuvent également réduire le risque posé par les pathogènes émergents transmis par transfusion avant qu’ils soient reconnus comme une menace pour l’approvisionnement en sang. L’adoption de techniques d’inactivation des agents pathogènes pourrait modifier les estimations des risques sur lesquelles se fondent les exclusions de donneurs axées sur le comportement. Cette étude utilise la modélisation mathématique du risque pour évaluer l’incidence de la révision des critères d’exclusion des donneurs dans le cas où l’inactivation des agents pathogènes est adoptée et appliquée à tous les composants sanguins. Les modèles calculent le « risque résiduel », soit le degré de risque restant après qu’on a tenté de déceler et de contrôler les risques. Le projet s’inscrit dans l’initiative internationale de modélisation axée sur les HARSAH que dirige Sheila O’Brien, qui a elle aussi utilisé des modèles mathématiques pour comprendre le risque associé à la révision des politiques. 

Description

La simulation initiale du risque estime le risque résiduel qu’un don infecté au VIH contamine un pool de plasma destiné au fractionnement à la suite d’une révision des périodes d’exclusion des HARSAH (d’une exclusion de trois mois à l’absence de période d’exclusion des HARSAH). Dans ce cas, le plasma destiné au fractionnement serait prélevé par aphérèse (don de plasma source) et traité au moyen d’une technique d’inactivation des agents pathogènes que les entreprises de fractionnement utilisent déjà. La prochaine étape consiste à modéliser le risque pour les produits dérivés du sang traités par des techniques d’inactivation des agents pathogènes et destinés à la transfusion.  

Dans le cadre du travail de l’équipe internationale de modélisation axée sur les HARSAH, c’est-à-dire le sous-groupe Surveillance, Risk Assessment and Policy de l’International Society of Blood Transfusion, ce projet a été harmonisé avec l’initiative commune de modélisation axée sur les HARSAH. Au début, l’accent a été mis sur la simulation des risques afin d’estimer le risque d’infection au VIH avec le prélèvement par aphérèse de plasma destiné au fractionnement provenant de HARSAH en fonction de différentes périodes d’exclusion et en utilisant des techniques d’inactivation des agents pathogènes. La probabilité d’infection (en fonction du type de don, de la proportion de nouveaux donneurs, de l’intervalle entre les dons, de la prévalence du VIH et de l’incidence du VIH chez les donneurs, de la charge virale du don infecté, etc.) et l’incidence des mesures de sécurité (comme la réduction de la charge virale, la défaillance du processus lors de l’utilisation des techniques d’inactivation des agents pathogènes et le test des acides nucléiques [TAN — test utilisé pour détecter le VIH dans les dons de sang, etc.] seront simulés en fonction des données de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec. En tout, 300 000 pools ont été simulés pour estimer le risque résiduel canadien du plasma source infecté au VIH. Les modèles étaient basés sur différents scénarios : le plus probable, optimiste et pessimiste. 

Résultats

Pour simuler 300 000 pools [près de deux milliards de dons] pour chaque scénario, le choix s’est porté sur une simulation de Monte Carlo en deux phases utilisant des réseaux bayésiens. Pour le scénario le plus probable du modèle d’exclusion de trois mois, il y avait 2,79 dons séropositifs par tranche d’un million de dons, avec un nombre moyen de copies de VIH par pool de 9,760 6 × 108. Pour le scénario le plus probable sans période d’exclusion, il y avait 3,01 dons séropositifs par tranche d’un million de dons, avec un nombre moyen de copies de VIH par pool de 9,785 6 × 108. Pour les deux modèles, si le seuil infectieux est d’une copie du virus par pool, aucun des pools simulés n’était considéré comme potentiellement infectieux après l’utilisation de techniques d’inactivation des agents pathogènes. Jusqu’à présent, les données indiquent que le risque résiduel de VIH dans le plasma source est extrêmement faible [0,00; 95 % IC [0,00; 1,23 × 10-5]] lorsqu’on utilise des techniques d’inactivation des agents pathogènes. D’après les résultats de la simulation, il n’y aurait aucun risque significatif d’infection au VIH associé à la suppression de la période d’exclusion sans quarantaine pour le plasma source provenant de HARSAH.     

Applications

La prochaine étape consistera à modéliser le risque infectieux des produits sanguins traités à l’aide de techniques d’inactivation des agents pathogènes et inclura les virus des hépatites B et C [VHB et VHC]. Nos modèles produiront des estimations du risque résiduel qui indiqueront s’il est possible de garantir l’innocuité du sang en utilisant des techniques qui permettent d’éliminer les agents pathogènes dans les dons de sang. Cette approche pourrait constituer une solution pour remplacer les critères d’admissibilité fondés sur la population auxquels sont actuellement soumis les HARSAH. 

Considérations futures

La plus grande limite de ce projet se trouve dans la disponibilité et la spécificité des données utilisées pour l’élaboration du modèle. 

Publication

Aubé, E., Lewin, A., O'Brien, S. F., Grégoire, Y., Pillonel, J., Steele, W. R., Custer, B., Davison, K. L., Germain, M., Seed, C. R., Camirand Lemyre, F., & Surveillance, Risk Assessment and Policy Subgroup of the ISBT Transfusion Transmitted Infectious Diseases Working Party (2022). HIV residual risk in Canada for apheresis source plasma donation without deferral for men who have sex with men. Vox sanguinis, 117(2), 201–207. https://doi.org/10.1111/vox.13176 

 

Le savoir en action

Les résultats de cette étude sur l’acceptabilité d’une sélection des donneurs basée sur les pratiques sexuelles ont été utilisés dans le rapport remis par la Société canadienne du sang à Santé Canada dans le but d’obtenir l’autorisation d’adopter d’autres critères d’admissibilité pour les HARSAH, Alternative criteria for Men who have Sex with Men, Source plasma donation, London and Calgary, et afin de guider la mise en œuvre de ce programme en septembre 2021. Ce projet fait partie d’un grand projet de modélisation dont les données seront utilisées dans le rapport qui sera remis à Santé Canada dans le but d’adopter des critères de sélection basés sur les pratiques sexuelles à risque. 

« Modélisation mathématique des risques »


Sheila O’Brien, directrice adjointe du service d’épidémiologie et de surveillance de la Société canadienne du sang, et des chercheurs d’autres pays ont conçu et affiné des modèles mathématiques afin de comprendre les risques associés aux modes de sélection basés sur l’exclusion temporaire d’une catégorie de personnes et l’évaluation individuelle des risques posés par les candidats au don en fonction de leur mode de vie. (Comprend les résultats de deux projets menés par Sheila O’Brien.)

Projet terminé et publié

Acceptabilité et faisabilité concernant le don de plasma


Joanne Otis, professeure en éducation à la santé à l’Université de Montréal, a étudié l’acceptabilité et la faisabilité du don de plasma d’aphérèse chez les hommes gais, bisexuels et autres HARSAH. 

Projet terminé et publié

Estimation des risques liés au VIH


Le Dr Trevor Hart, professeur de psychologie à l’Université Ryerson, se propose d’estimer les risques de transmission du VIH en fonction de différents critères d’admissibilité à l’aide de modèles biocomportementaux et mathématiques.

Projet terminé, non publié