Une infirmière urgentiste donne deux organes de son vivant
Julia King a donné une partie de son foie et un rein pour aider deux inconnus.
Animée par un profond désir d’aider autrui, c’est tout naturellement que Julia King s’est tournée vers la carrière d’infirmière et a rejoint avec enthousiasme la chaîne de vie du Canada.
« J’ai toujours su que je serais donneuse un jour », se souvient Julia, 24 ans, infirmière urgentiste à l’hôpital général de Vancouver, en Colombie-Britannique. « À 17 ans, je me suis inscrite au registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang et, à 18 ans, j’ai commencé à donner du sang. »
Ce n’était que le début. Avant même ses 19 ans, Julia s’est portée volontaire pour être donneuse de rein anonyme. À chaque instant, plus de 4 100 Canadiens sont en attente d’une greffe d’organe et les trois quarts ont besoin d’un rein. En réduisant la demande d’organes de donneurs décédés, les donneurs vivants aident autant les patients qui reçoivent leur organe que ceux qui sont sur liste d’attente.
VOUS SOUHAITEZ DONNER DE VOTRE VIVANT?
Mais cette première tentative pour devenir donneuse d’organe s’est soldée par une grande déception : en Colombie-Britannique, l’âge minimum pour faire un don de rein anonyme est de 25 ans. Julia ne s’est pas pour autant laissé abattre. En décembre 2020, une fois son diplôme d’infirmière en poche et tout juste après ses débuts à l’hôpital général de Vancouver, elle a réessayé, cette fois pour un enfant en attente de rein dont lui avait parlé une de ses collègues.
Une fois de plus, malheureusement, elle n’a pas pu donner en raison de son âge. Julia a donc cherché une autre manière d’aider, et elle a trouvé.
Devenir donneur de foie de son vivant
Au Canada, si la majorité des patients en attente d’une greffe d’organe ont besoin d’un rein, des centaines d’autres attendent un foie. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), 95 personnes sont mortes l’année dernière seulement faute de don de foie.
Les donneurs de foie vivants peuvent aider des vies. L’opération consiste à leur retirer une partie du foie seulement. Tout de suite après l’opération, le foie du donneur commence à se régénérer, avant de retrouver sa taille au bout de six à huit semaines.
Julia était très soulagée de savoir que son jeune âge ne l’empêcherait pas de donner en Alberta ou en Ontario. Puisqu’elle a grandi près de Toronto et que sa mère y était de retour, le choix du programme de don de foie de son vivant du University Health Network (UHN) était « une évidence », explique-t-elle. Et lorsqu’elle a fait part de son intention à ses amis, à sa famille et à ses collègues, tous l’ont soutenue.
« Au travail, ils étaient un peu surpris, mais mes amis et ma famille savaient que je m’étais déjà portée volontaire pour donner un rein », raconte Julia. « Je pense que ma famille aimait l’idée que mon foie puisse retrouver sa taille. »
Julia est donc allée de l’avant, avec l’appui de Doug, son compagnon. Elle devait se soumettre à toute une batterie de tests : évaluation approfondie de ses antécédents médicaux, nouvelles analyses de sang, tomodensitométrie (TDM) et imagerie par résonance magnétique (IRM). Elle devait également consulter un chirurgien, un psychiatre, un pharmacien et une travailleuse sociale.
Après avoir fait ses analyses de sang à Vancouver, Julia a passé sa TDM et son IRM à Toronto. Et elle a pu faire ses consultations par appel vidéo. C’est finalement à l’été 2021 qu’elle s’est rendue à Toronto pour procéder au don.
« L’opération a duré six heures, et j’ai eu cette chance incroyable de donner le lobe gauche de mon foie à un bébé », s’émerveille-t-elle.
Rarissime : vers un deuxième don d’organe
Très peu de gens au Canada donnent plus d’un organe de leur vivant. Mais Julia, après avoir donné une partie de son foie, avait hâte de recommencer. Quatre mois plus tard seulement, elle s’inscrivait au don de rein croisé.
Pour ce programme, la Société canadienne du sang travaille de concert avec les programmes de don vivant de rein et de transplantation de rein de l’ensemble du pays. En inscrivant des paires incompatibles de candidats à la transplantation et de donneurs volontaires, elle facilite les échanges de donneurs. Un échange peut regrouper deux paires ou plus; chaque donneur donne un rein et chaque candidat à la transplantation en reçoit un.
Certains donneurs, comme Julia, s’inscrivent d’eux-mêmes plutôt qu’en paire, venant gonfler le bassin de reins disponibles. Cet acte désintéressé, qu’on appelle don sans receveur prévu, peut être le point de départ d’un effet domino, ce seul don entraînant plusieurs transplantations. La chaîne prend fin lorsqu’un candidat sur la liste d’attente pour un rein de donneur décédé reçoit un rein du dernier donneur vivant incompatible avec les candidats inscrits au Registre canadien de transplantation (la base de données sécurisée utilisée pour le Programme de don de rein croisé). La Société canadienne du sang gère le registre et les processus informatiques qui servent à trouver des jumelages.
Julia a donné son rein gauche sept mois tout juste après avoir donné une partie de son foie. Elle n’avait pas encore 25 ans, mais ce n’était pas un obstacle en Ontario.
« J’étais très contente de retrouver l’équipe de Toronto », déclare Julia. « Ils ont pu utiliser les scanners qu’ils m’avaient faits pour le don de foie, alors ça a simplifié le processus. »
Pour donner son rein, Julia a eu une chirurgie célioscopique de trois heures, qui lui a laissé une incision plus petite que celle réalisée pour son foie, et son rétablissement a été bien plus rapide.
« Je me suis sentie bien très rapidement, et j’ai pu remarcher à peu près normalement dès le lendemain de l’opération, même si j’ai dû éviter de porter des charges trop lourdes pendant six semaines », se souvient Julia. « La semaine suivante, j’étais déjà dans l’avion pour Edmonton pour aller chercher mon nouveau petit chien, Kumo. »
En donnant anonymement deux organes de son vivant, Julia a vu sa vie transformée. Elle ne connaît pas ceux qui ont reçu ses organes, mais, tout au long de son parcours de donneuse, elle a rencontré d’autres receveurs.
« De voir la différence qu’une greffe d’organe peut faire dans la vie d’une personne, ça m’a vraiment ouvert les yeux », affirme Julia. « En donnant, j’ai aussi pu entrer en contact avec les membres de la communauté de la transplantation, et j’ai maintenant des amis donneurs et receveurs. »
Inspirer de futurs donneurs d’organes
En plus de sauver des vies en tant qu’infirmière à l’hôpital général de Vancouver et d’avoir donné deux organes pendant la pandémie de COVID-19, Julia sensibilise le public au don de sang et au don d’organe.
Elle siège au comité consultatif bénévole du Centre for Living Donation du University Health Network de Toronto et témoigne avec ferveur lors de la Semaine du don vivant. Elle travaille également avec le Programme de recherche en don et transplantation du Canada et a participé à des études sur les donneurs et les receveurs d’organes.
Récemment, Julia s’est aussi lancée dans des missions de bénévolat pour BC Transplant. Elle espère que son expérience en incitera d’autres à devenir donneurs d’organe de leur vivant.
« C’est une des choses qu’on peut faire pour aider les autres », souligne Julia. « C’est seulement un mois ou deux de notre vie », ajoute-t-elle. « On sauve la vie de quelqu’un, ou du moins on l’aide à améliorer sa qualité de vie, et on peut ensuite reprendre sa vie normalement. »
Les donneurs d’organes sauvent et transforment des vies. Renseignez-vous sur le don d’organe de son vivant, inscrivez-vous comme donneur d’organes et de tissus après votre décès et informez vos proches de vos souhaits.