Après avoir perdu une jambe, Alicia Souveny a pu intégrer l’équipe nationale féminine de para-hockey
Quelques années seulement après avoir subi des blessures dévastatrices dans un terrible accident de la route, Alicia Souveny excelle dans une équipe sportive nationale et se sent reconnaissante à l’égard des donneurs de sang qui lui ont permis d’en arriver là.
Par un samedi glacial de février 2019, alors qu’Alicia se rendait au travail, sa voiture a glissé dans le terre-plein central d’une autoroute à Edmonton, en Alberta. Parvenue à sortir de son véhicule, elle parlait avec un automobiliste venu l’aider quand un autre véhicule l’a percutée de plein fouet, lui causant de graves blessures. Malgré des dommages au niveau de la rate et de la vésicule biliaire, plusieurs fractures et un traumatisme cérébral, entre autres, dans les premiers instants, c’est la perte de sang qui représentait la plus grande menace pour sa vie.
« J’avais beaucoup d’hémorragies internes, et bien sûr, avec une jambe broyée, je saignais aussi beaucoup », explique Alicia, physiothérapeute dans un hôpital pour enfants à Edmonton, en Alberta.
« Sans transfusion sanguine, les médecins n’auraient rien pu faire pour moi. Les donneurs m’ont véritablement sauvé la vie. »
Les dons de sang O négatif font toute la différence
La police a été appelée aux alentours de 8 h 15 d’après les nouvelles de cette journée-là. Moins d’une heure plus tard, Alicia recevait déjà sa première transfusion de sang O négatif. Ce type de sang revêt une importance capitale dans les situations où l’urgence est telle qu’on n’a pas le temps de vérifier le groupe sanguin du patient.
« En traumatologie, il existe ce qu’on appelle une “heure critique”, explique la Dre Gwen Clarke, spécialiste de la médecine transfusionnelle au sein de la Société canadienne du sang. Il faut commencer la réanimation et la transfusion dans l’heure qui suit l’accident pour éviter de graves complications. »
D’après son dossier médical, Alicia a reçu onze unités de sang O négatif avant que l’on puisse confirmer son propre groupe sanguin. Il se trouve qu’elle est elle-même du groupe sanguin O négatif. C’est donc ce sang qu’on a continué à lui transfuser dans les jours et les semaines qui ont suivi.
Alicia a également reçu d’autres produits sanguins pendant son long séjour à l’hôpital : du plasma, le composant sanguin de couleur jaunâtre qui constitue la majeure partie du volume sanguin de l’organisme; des plaquettes, le composant qui favorise la coagulation; ainsi que du fibrinogène et de l’albumine, deux protéines plasmatiques fabriquées à partir de plasma sanguin.
Il serait d’ailleurs difficile de déterminer le nombre exact de donneurs ayant aidé Alicia à se remettre. Même si chaque unité de globules rouges de sang O négatif provient d’une même personne, le « pool de plaquettes » qu’elle a reçu quelques jours après l’accident provenait de différents donneurs du groupe sanguin O négatif. Quant aux protéines plasmatiques, elles sont fabriquées à partir de milliers d’unités de plasma sanguin provenant de donneurs de différents groupes sanguins.
Avant l’accident, Alicia connaissant déjà l’importance des dons de sang, en partie grâce à son travail dans le domaine de la santé. Elle avait même affronté sa peur des aiguilles pour donner du sang à plusieurs reprises. Passer du côté des receveurs a tout de même complètement modifié son point de vue.
« Si vous avez déjà donné du sang, je ne pourrai jamais assez vous remercier. »
De receveuse de sang à membre d’Équipe Canada
Après avoir passé trois mois à l’hôpital — dont un mois complet aux soins intensifs —, Alicia s’est trouvée face à son plus gros défi : se remettre sur les plans physique et émotionnel. Sa jambe gauche ayant dû être amputée sous le genou, il lui a fallu apprendre à vivre différemment tout en composant avec l’épuisement et la douleur.
Malgré sa gratitude d’avoir pu rentrer chez elle, le confort de son foyer lui rappelle aussi cruellement son ancienne vie.
« On ne se rend pas vraiment compte de la chance qu’on a d’être valide jusqu’à ce qu’on ne le soit plus », explique-t-elle.
Et pourtant, moins de quatre ans plus tard, au terme d’un travail acharné et grâce à l’aide de sa famille et de ses amis, Alicia est plus active que jamais. Elle pratique aujourd’hui le curling, la natation, le cyclisme et le ski, entre autres. Toutefois, c’est au para-hockey qu’elle consacre le plus clair de son temps. Dans cette version du sport, les joueuses se propulsent sur la glace à l’aide de luges.
Même si Alicia et son fiancé Matt, lui aussi physiothérapeute, entraînaient bénévolement des équipes de hockey mineur, elle n’avait pas passé beaucoup de temps sur la glace avant de s’essayer au para-hockey en 2021.
« Je n’avais jamais touché une rondelle. J’aurais été bien incapable de manier le bâton si ma vie en dépendait », confesse-t-elle. Mais c’est la beauté du sport paralympique, selon elle. « Il est possible de commencer dans la trentaine sans que personne ne nous regarde de travers. »
Il lui a fallu peu de temps pour exceller. La même année, elle a été invitée à s’entraîner avec l’équipe nationale féminine de para-hockey dans un camp de perfectionnement, puis, après des essais le printemps suivant, elle a intégré l’équipe.
Alicia est désormais également une joueuse ambassadrice pour l’organisation Mise au jeu pour le sang — la première issue du milieu du hockey paralympique. D’une certaine façon, elle a bouclé la boucle. Le milieu du hockey d’Edmonton l’a beaucoup soutenue en levant des fonds dès ses premiers jours à l’hôpital et en organisant des collectes de sang en son honneur. À titre de joueuse ambassadrice, elle est une source d’inspiration pour les donneurs de sang désireux d’aider.
Alicia a également trouvé d’autres façons d’appuyer la chaîne de vie du Canada, notamment par l’intermédiaire d’une campagne, intitulée Step Up With Alicia, qui invite les personnes à faire des dons en argent et des dons de sang. Les dons en argent permettent notamment de financer la recherche et le recrutement de donneurs.
Il est fort probable qu’une de vos connaissances ait besoin de sang à l’avenir
Il est impossible de prédire quand un proche ou nous-mêmes aurons besoin de dons de sang. Alicia est la troisième génération de sa famille à avoir reçu du sang. Son grand-père paternel avait reçu du sang à l’adolescence, bien avant la naissance du père d’Alicia, car il avait reçu des coups de sabot d’un cheval.
« Si mon grand-père n’avait pas reçu de sang, mon père n’aurait jamais vu le jour, explique Alicia. Je n’existerais pas. »
Son père a lui aussi reçu des transfusions. Quelques années avant l’accident d’Alicia, il a eu besoin de beaucoup de sang à la suite d’un accident de moto.
Autant dire que les donneurs n’ont pas seulement changé la vie d'Alicia, ils ont façonné son parcours. La possibilité qu’elle a aujourd’hui de jouer pour le Canada n’est qu’une des preuves de l’impact qu’ils produisent. Sans donneurs, « j’aurais raté le 30e anniversaire de mon fiancé, et nous ne serions même pas fiancés », raconte-t-elle.
« Je peux être là pour mes chiens, voir ma nièce et mon neveu grandir, assister aux moments spéciaux comme les mariages de mes amis, la naissance des bébés de mes amis et le 65e anniversaire de mariage de mes parents. C’est tellement précieux. »
Sans oublier la chance d’exceller dans sa carrière de physiothérapeute, qu’elle a eu le bonheur de reprendre en 2022.
« Je suis heureuse de retrouver les enfants. C’est un bonheur de travailler avec eux, et ce travail est incroyablement gratifiant ».
« J’ai très hâte d’avoir un premier patient amputé. S’il me dit qu’il ne peut pas faire quelque chose, je lui répondrai : “Regarde-moi! Il me manque une jambe!” J’ai hâte de vivre ce beau moment! »