Programme de recherche HARSAH

État d’avancement des projets

Les sessions du forum étaient organisées en fonction des priorités du Programme†. Chaque session présentait trois ou quatre projets et chaque projet portait sur au moins l’une des priorités. 

Définition de critères d’admissibilité alternatifs

Les résultats indiquent que beaucoup de gbHARSAH sont en faveur d’un changement aux critères d’admissibilité. Très nombreux sont ceux qui seraient disposés à donner du sang s’ils étaient admissibles. Des travaux sont en cours pour examiner les questions de respect de la vie privée, de confidentialité et d’accès au don de sang pour les gbHARSAH, qu’ils vivent en milieu rural ou en milieu urbain. D’autres étudient l’expérience du don de sang pour divers groupes de gbHARSAH, par exemple ceux qui s’identifient comme Africains, Caribéens ou Noirs. Cette session, tout comme la suivante et les discussions du forum, a fait ressortir l’importance de réparer les liens avec les communautés ou groupes affectés. 

Acceptabilité de politiques alternatives

Selon les critères d’admissibilité actuels, les HARSAH sont considérés comme une population et le risque de transmission de maladie infectieuse est évalué pour la population plutôt qu’en fonction du comportement d’un individu. La majorité des gbHARSAH sondés estiment cette façon de faire discriminatoire et donc inacceptable. Les études ont également fait ressortir le fait que dans le questionnaire pré-don, l’ordre des questions (plus précisément la proximité entre les questions pour les HARSAH et des questions associées à des comportements stigmatisés) peut amener les personnes qui remplissent le questionnaire à avoir des préjugés négatifs envers les gbHARSAH. Les gbHARSAH qui ont participé à une autre étude ont démontré une compréhension limitée du programme de don de plasma et ont manifesté un enthousiasme restreint à l’idée de donner du plasma pour fabriquer des protéines plasmatiques (type de médicaments). Les recherches tentent d’établir s’il serait acceptable d’évaluer les donneurs selon les comportements individuels (plutôt que l’approche englobant l’ensemble de la population HARSAH), et les répercussions qu’un tel changement aurait sur les intentions des donneurs actuels et les taux de non-admissibilité. 

Modélisation des risques

La modélisation des risques est utilisée pour évaluer si des changements aux critères d’admissibilité des donneurs auraient des répercussions sur la sécurité et la suffisance de l’approvisionnement en sang. 

L’un des projets financés par le Programme a ainsi évalué le risque supplémentaire que poserait la réduction à trois mois de la période de non-admissibilité des HARSAH. Les résultats ayant démontré que ce risque serait très faible, une demande en faveur de la période de trois mois a été présentée à Santé Canada en 2019. Une étude examine les taux de prévalence et d’incidence du VIH dans une population gbHARSAH identifiée comme étant à faible risque du point de vue des comportements sexuels. Sont également à l’étude plusieurs indicateurs qui pourraient être utilisés pour faire une sélection basée sur le comportement des donneurs pris individuellement. 

Faisabilité opérationnelle

La faisabilité opérationnelle permet de déterminer s’il est possible d’évaluer chaque donneur à partir de questions sur les risques qui lui sont propres (ex. : nombre de partenaires sexuels, nombre de nouveaux partenaires, comportements sexuels). Selon les résultats préliminaires, appliquer une méthode d’évaluation individuelle à l’ensemble des donneurs pourrait faire augmenter le nombre de personnes non admissibles, en particulier dans les tranches d’âge plus jeunes. L’adoption d’une telle méthode pourrait entraîner une perte significative de donneurs admissibles. D’autres études se penchent sur la faisabilité d’un programme de don de plasma pour les HARSAH. Bien que des participants gbHARSAH aient exprimé un certain intérêt pour ce type de programme, il y a plusieurs obstacles, notamment le manque de connaissances sur le don de plasma, la stigmatisation associée à toute différence dans la façon d’évaluer l’admissibilité des HARSAH et le fait que les gbHARSAH sexuellement actifs ne seraient toujours pas admissibles au don de sang total. 

Application des connaissances générées

Les discussions sur les résultats préliminaires des recherches ont gravité autour de trois grands principes : l’acceptabilité, la sécurité et la faisabilité. Chacun de ces principes peut être appliqué aux différentes approches étudiées par les projets de recherche (ex. : période de non-admissibilité imposée à l’ensemble d’une population; évaluation des risques individuels appliquée à l’ensemble des donneurs ou uniquement aux HARSAH, que ce soit pour le don de sang total ou de plasma). 

Acceptabilité

  • Même si la politique actuelle basée sur le risque populationnel a permis un raccourcissement de la période de non-admissibilité, il est peu probable que le changement génère beaucoup de nouveaux donneurs. Le changement ne règle pas non plus la perception que la politique est discriminatoire. 
  • Il y a eu une longue discussion sur l’utilisation d’une question de « démarcation », c’est-à-dire une question qui identifierait les HARSAH et les dirigerait vers des questions vérifiant s’ils ont des comportements à risque. Il n’est pas certain que cette approche soit acceptable pour les gbHARSAH, même si cette solution était vue comme un pas vers des critères plus inclusifs et pourrait mener à l’admissibilité de gbHARSAH présentant un faible risque d’exposition à une maladie infectieuse. 
  • Les méthodes d’évaluation les plus acceptables sont celles qui sont perçues comme étant équitables (c’est-à-dire applicables à tout le monde). 
  • Les donneurs (et la population en général) doivent comprendre les raisons derrière les questions posées aux donneurs de même que les raisons expliquant les périodes de non-admissibilité (pas seulement celles imposées aux HARSAH). Peu importe l’approche qui sera adoptée, il est clair qu’il faudra une stratégie coordonnée d’éducation et de communication afin que toutes les parties — donneurs potentiels, donneurs actuels, patients et associations de patients — comprennent les critères d’admissibilité ainsi que les raisons pour lesquelles ils doivent être respectés. 

Sécurité

  • Le projet de modélisation des risques a servi d’assise à la demande présentée à Santé Canada pour raccourcir à trois mois la période que doit attendre un homme depuis son dernier rapport sexuel avec un autre homme. 
  • Les experts présents au forum étaient d’accord pour dire qu’une fois les études en cours terminées, nous disposerons de données plus complètes pour étayer les études de modélisation des risques et les éventuelles modifications aux critères d’admissibilité. 
  • Bien qu’il y ait eu des discussions sur l’évaluation des donneurs en fonction de certains indicateurs de comportement à risque (ex. : demander le nombre de partenaires sexuels), il faudra plus de recherches pour déterminer les indicateurs les plus efficaces, acceptables et applicables. 

Faisabilité

  • Avant d’envisager de poser à tous les donneurs des questions sur les comportements à risque, il est essentiel de considérer les répercussions que cela pourrait avoir sur les donneurs actuellement admissibles. Perdre un grand nombre des donneurs actuels pourrait nuire à la capacité des fournisseurs de sang de maintenir des réserves de sang suffisantes pour répondre aux besoins de la population canadienne. 
  • Quelle que soit l’approche, pour qu’elle porte fruit, il est essentiel d’expliquer clairement pourquoi les donneurs doivent répondre à des questions d’admissibilité, en particulier celles qui peuvent les rendre mal à l’aise et les dissuader de donner. 
  • Si les donneurs potentiels devaient fournir des renseignements sensibles ou à caractère potentiellement stigmatisant, il faudrait assurer la confidentialité de ces renseignements (protection de la vie privée). Le risque de stigmatisation pourrait être un obstacle au don pour certains HARSAH. 
  • Les gbHARSAH participant à l’étude ont manifesté un certain intérêt pour le programme de don de plasma, d’où provient le plasma utilisé pour fabriquer les protéines plasmatiques à usage thérapeutique. Il faut davantage d’éducation sur le don de plasma. Deux projets de recherche sont en cours pour évaluer la faisabilité d’un tel programme. 

Nouveaux défis associés aux critères d’admissibilité

Prophylaxie pré-exposition (PrEP) et prophylaxie post-exposition (PPE)

À l’heure actuelle, Santé Canada oblige les fournisseurs de sang à déclarer non admissible au don de sang toute personne prenant la PrEP/PPE. La PrEP/PPE peut retarder le délai entre l’infection et la détection, et, de ce fait, nuire aux tests de dépistage des maladies infectieuses pratiqués sur les dons de sang. Cette question nécessite des recherches plus approfondies. 

I ≠ I en matière de transfusion sanguine

I = I ou « indétectable = intransmissible » est une campagne d’information mondiale sur l’efficacité des médicaments anti-VIH pour prévenir la transmission du VIH par voie sexuelle. La campagne s’appuie sur des études scientifiques prouvant que lorsque la charge virale est faible (moins de 200 copies/ml), le risque de transmission sexuelle du VIH est de zéro. Cette campagne ne s’applique pas à la transfusion sanguine parce que, durant une transfusion, un important volume de sang est injecté par voie intraveineuse, c’est-à-dire directement dans le flux sanguin. Ce que cela signifie, c’est que même une très petite quantité de particules virales pourrait transmettre l’infection. Chaque don de sang est soumis à un test de dépistage du VIH, mais le test n’est peut-être pas assez sensible pour dépister une charge virale faible. Par conséquent, il est important que le public comprenne le risque potentiel pour le système du sang ainsi que la nécessité de dévoiler leur statut VIH et de s’abstenir de donner du sang. 

Personnes trans

Il y a un manque de données et de recherches sur les critères d’admissibilité pour les personnes trans et non binaires. Bien que les travaux du Programme n’étudient pas précisément le don de sang en relation avec les personnes trans, il a souvent été question des répercussions qu’avaient, sur les communautés trans, les critères d’admissibilité des HARSAH. Il est ressorti que c’est là une question qui nécessite plus de recherches et d’attention de la part des fournisseurs de sang. 

Café du savoir

Le forum comprenait un « café du savoir », où les participants étaient divisés en trois groupes qui devaient se concentrer sur trois questions (qu’avons-nous appris?; quelles sont les implications?; comment partager les nouvelles connaissances?). Les réponses à chaque question ont été consignées et compilées. Ci-dessous quelques-unes des opinions exprimées. 

Quelle recherche avez-vous trouvé la plus pertinente ou la plus importante?

Les participants : 

  • ont apprécié le volume de données générées, le dévouement des équipes de recherche et l’engagement de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec à faire progresser les critères d’admissibilité des HARSAH au don de sang. 
  • ont reconnu la difficulté de définir des critères d’admissibilité plus inclusifs tout en veillant à ce que le sang soit sûr et les quantités suffisantes. 
  • ont trouvé très pertinente l’étude indiquant que l’ordre des questions dans le questionnaire pré-don pouvait involontairement entraîner des préjugés. 
  • ont trouvé importantes les études soulignant qu’il faudra réparer les liens avec les communautés touchées. 
  • ont indiqué que pour faire progresser les politiques sur le don de sang, il était essentiel d’être inclusif, d’amener les voix marginalisées au centre et d’inclure les perspectives des personnes trans ainsi que celles des groupes ethniques ou multiculturels. 

 

Quelles lacunes avez-vous notées dans les recherches ou dans l’information fournie?

Les participants ont noté : 

  • un manque de données sur :
    • les donneurs trans; 
    • les Africains, Caribéens et Noirs, et groupes marginalisés au sein des communautés LGBTQ+. 
  • des lacunes dans la recherche entourant :
    • les répercussions qu’entraîneraient d’autres changements aux critères (qui commencera à donner du sang et qui arrêtera); 
    • l’impact que l’innovation et les nouvelles technologies (notamment pour la réduction des agents pathogènes) pourraient avoir sur les fondements des critères d’admissibilité; 
    • la façon d’identifier les HARSAH sexuellement actifs présentant un risque faible; 
    • les questions qui pourraient être posées à tous les candidats au don pour évaluer leur admissibilité sans égard aux spécificités de genre ou selon les comportements à risque qu’ils présentent individuellement; 
    • l’évaluation des donneurs trans. 
  • les besoins :
    • mieux informer, en particulier les personnes qui ne sont pas admissibles pour les aider à comprendre les raisons de leur non-admissibilité; 
    • collaborer davantage avec les groupes marginalisés, dont les personnes trans et les gbHARSAH africains, caribéens et noirs; 
    • expliquer plus clairement les raisons scientifiques derrière les critères d’admissibilité actuels et futurs. 

 

Selon vous, quelles répercussions ces recherches auront-elles sur vous ou votre communauté?

Réponses des participants : 

  • Les associations de patients disent être conscientes que les critères d’admissibilité actuels sont perçus comme discriminatoires et constituent un enjeu de justice sociale. Elles croient que les données générées par les recherches continueront d’assurer l’innocuité et la suffisance de l’approvisionnement en sang. 
  • Faisant écho aux résultats des recherches, plusieurs participants jugent nécessaire de réparer les liens avec les communautés que les critères affectent depuis longtemps, en particulier les gbHARSAH africains, caribéens et noirs. 
  • Certains estiment que les fournisseurs de sang ont une responsabilité envers les communautés concernées et doivent bien réfléchir à la façon dont ils présenteront toute nouvelle proposition ou façon d’évaluer l’admissibilité des HARSAH au don de sang (ex. : programme de don de plasma, question pour diriger les HARSAH vers des questions supplémentaires). 

 

Compte tenu des résultats actuels, que suggérez-vous à la Société canadienne du sang et à Héma-Québec comme prochaines actions ou étapes pour faire progresser les critères d’admissibilité?

Suggestions des participants : 

  • Changer l’ordre des questions ou les repositionner de manière à réduire le préjudice que l’ordre actuel cause aux gbHARSAH. 
  • Les fournisseurs de sang doivent améliorer et actualiser leurs communications, leur marketing social et leurs efforts de sensibilisation; l’information doit être plus facilement accessible qu’elle ne l’est maintenant. De meilleures stratégies de communication et d’éducation pourraient améliorer les relations avec les communautés concernées. 
  • Les organismes de réglementation et les fournisseurs de sang doivent être plus transparents quant aux données probantes requises pour apporter d’autres changements. 

 

Comment voyez-vous le partage et l’utilisation des connaissances générées par le Programme?

Les participants ont dit : 

  • la diffusion des connaissances doit être adaptée aux publics cibles, être faite au bon moment et avoir un objectif clair. Donner suite à la démarche de modification des critères d’admissibilité est essentiel. 
  • les publics cibles doivent inclure les employés des fournisseurs de sang (pour donner confiance aux gens qui reçoivent du sang et à ceux qui en donnent); la prochaine génération de chercheurs, cliniciens et autres professionnels de la santé; étudiants; communautés LGBTQ+ et associations de patients. 
  • il faut mettre à la disposition du public plus d’information sur les raisons justifiant les périodes d’exclusion. 
  • il faut considérer la diffusion des connaissances dans une optique d’équité sociale (pour qui, par qui); l’inclusion et la participation des groupes de la diversité tout au long du processus de diffusion sont importantes. 

 

Comment la Société canadienne du sang et Héma-Québec devraient-ils diffuser les résultats des recherches?

Les participants ont dit : 

  • les communications doivent être produites d’une manière n’entraînant ni stigmatisation ni discrimination. 
  • il faut prendre la sécurité en compte et déterminer comment éviter de stigmatiser les communautés et les groupes marginalisés. 
  • il faut être conscient que les recherches ne présenteront pas un intérêt pour tous les groupes (ex. : trans, gbHARSAH africains, caribéens et noirs); utiliser une approche croisée dans les communications avec divers groupes. 
  • travailler en collaboration avec les groupes communautaires (ex. : créer du matériel conjoint pour que les valeurs et les perspectives des communautés soient prises en compte), mais reconnaître que la responsabilité de communiquer efficacement revient aux fournisseurs de sang et non aux communautés. 
  • les traditionnels rapports écrits ne sont peut-être pas la meilleure façon de transmettre l’information à tous les groupes cibles; il faut considérer d’autres options, comme le multimédia, les réseaux sociaux, les vidéos, les webinaires…