Une jeune femme vainc l’anémie falciforme et retrouve le bonheur de rêver
Revée Agyepong, d’Edmonton, est aujourd’hui guérie d’une anémie falciforme grâce à un don de cellules souches de sa sœur.
Revée Agyepong et sa sœur Stephanie ont toujours été proches, mais le jour où elles ont su que Stephanie pourrait améliorer la qualité de vie de sa sœur en lui donnant des cellules souches, leur lien est devenu encore plus fort.
« Nous avons appris la nouvelle le jour de son anniversaire; c’était fou!, lance Revée. Nous allions au resto pour fêter ça et finalement, nous avons eu deux raisons de célébrer. »
Revée, 28 ans, est devenue l’une des premières adultes au Canada à recevoir une greffe de cellules souches pour traiter une anémie falciforme. La maladie est causée par une mutation génétique qui survient le plus souvent chez les gens de descendance africaine. Elle entraîne la déformation des globules rouges; normalement rondes, les cellules prennent la forme d’un croissant ou d’une faux (d’où le nom de la maladie – falciforme) et restent coincées dans les vaisseaux sanguins.
Dans le cas de Revée, la maladie provoquait des douleurs et des infections invalidantes, et même si elle avait accès à des médicaments haut de gamme et à un traitement de remplacement du sang, elle devait souvent être hospitalisée.
« La vie avant la greffe était vraiment difficile, confie Revée. C’était vraiment inquiétant, savoir que les médicaments les plus puissants et les médecins les plus compétents ne pouvaient m’éviter d’aller à l’hôpital. »
« C’était vraiment agréable de découvrir ma “nouvelle normalité”. »
La greffe a eu lieu en novembre 2017. Une fois greffé des cellules souches de Stephanie, l’organisme de Revée a commencé à fabriquer des cellules sanguines normales.
La jeune femme a été épargnée des complications immunitaires graves qui peuvent survenir après la greffe. Aujourd’hui, Revée se porte à merveille et travaille à temps plein comme infirmière. Avant la pandémie, elle faisait de la natation, une activité qu’elle évitait pendant sa maladie parce que l’eau froide empirait son état. « Environ un an après la greffe, j’ai suivi des cours de natation et je me débrouille plutôt bien, dit-elle avec fierté. C’était vraiment agréable de découvrir ma “nouvelle normalité” et ce que ma vie pouvait vraiment être. »
« Je peux rêver de nouveau. Il n’y a plus de limites maintenant », se réjouit Revée.
Revée Agyepong, à droite, a reçu un don de cellules souches de sa sœur, Stephanie Amoah. Sur la photo, prise le jour de la greffe, Stephanie tient la poche contenant les précieuses cellules.
Des cellules au grand potentiel
L’histoire de Revée témoigne du potentiel impressionnant de la greffe de cellules souches. La procédure est utilisée depuis des dizaines d’années dans le traitement de cancers du sang, et grâce aux progrès de la médecine, elle donne maintenant espoir à des patients atteints d’autres maladies sanguines.
Avant la greffe de Revée, réalisée au centre de cancérologie Tom Baker, à Calgary, des spécialistes de cette même ville avaient eu recours à la greffe de cellules souches pour guérir l’anémie falciforme, mais seulement chez des enfants qui avaient un donneur compatible dans leur famille.
Statistiquement, les patients ont une chance sur quatre d’avoir un donneur compatible au sein de leur famille. Les cellules souches peuvent aussi provenir d’un donneur non apparenté, mais dans le cas de l’anémie falciforme, ce traitement est encore au stade expérimental, précise le Dr David Allan, hématologue et directeur médical du Registre de donneurs de cellules souches et de la Banque de sang de cordon de la Société canadienne du sang. Utiliser les cellules souches d’un donneur non apparenté risque davantage d’entraîner des complications, et pour une personne atteinte d’anémie falciforme, ces complications peuvent être très graves, voire fatales.
Pour la majorité des patients, qui n’ont pas de frère ou de sœur compatible, le critère de parenté est décourageant. Le Dr Allan demeure toutefois optimiste. « Ce qu’on vient de faire est sans contredit de la médecine de pointe, une évolution de la pratique, et si l’on se projette dans l’avenir, il est fort probable qu’on arrivera à éliminer cet obstacle », croit-il.
Le succès pourrait provenir des progrès en matière de greffe, mais également de la croissance des registres de donneurs de cellules souches. Un jeune adulte d’origine africaine qui s’inscrit à un registre aujourd’hui pourrait devenir donneur dans le cadre d’un essai clinique. Il pourrait aussi être appelé à faire un don à un patient dans plusieurs années d’ici si jamais le traitement devenait plus courant.
« Pour faire avancer les choses, il faut augmenter le nombre de donneurs potentiels dans le registre, confirme le Dr Allan. Cela multiplierait les chances pour les patients atteints d’anémie falciforme. »
Les futurs parents peuvent également aider. Comment? En faisant un don de sang de cordon ombilical. Ce sang est riche en cellules souches, et comme ces cellules ne sont pas encore matures, elles s’adaptent plus facilement à l’organisme du patient. Le jumelage n’a donc pas besoin d’être parfait.
La greffe de cellules souches de sang de cordon n’est pas encore un traitement établi pour l’anémie falciforme, mais le Dr Allan pense qu’il pourrait le devenir. « Cet espoir m’encourage à continuer de faire croître la banque publique de sang de cordon, dit-il. Une fois que nous aurons découvert comment améliorer la greffe de cellules souches de sang de cordon, nous serons prêts ».
Le programme de sang de cordon a été suspendu en raison de la pandémie de COVID-19. Cependant, il est toujours possible de s’inscrire au Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang. Les personnes de 17 à 35 ans en bonne santé sont encouragées à s’inscrire en ligne pour recevoir une trousse de frottis buccal par la poste.
Le Dr David Allan est hématologue et directeur médical du registre de donneurs de cellules souches et de la banque publique nationale de sang de cordon de la Société canadienne du sang.
La diversification ethnique : une nécessité
Un patient ayant besoin d’une greffe de cellules souches a plus de chances de trouver un donneur compatible au sein de son propre groupe ethnique.
Malheureusement, la population noire — dans laquelle se trouve la grande majorité des personnes souffrant d’anémie falciforme — est faiblement représentée dans les registres de donneurs de cellules souches partout dans le monde, y compris au Canada. Le registre canadien de donneurs adultes ne compte que 1,5 % de personnes noires.
Même si la banque de sang de cordon affiche une répartition plus encourageante, y trouver des cellules souches compatibles pour les patients noirs demeure difficile. Au fil de l’évolution humaine, la population noire s’est dotée d’une grande diversité génétique, ce qui complique le jumelage des cellules souches.
Le Dr Allan illustre la situation par une analogie avec un jeu de cartes. « Imaginez qu’on donne un jeu de 52 cartes à plusieurs joueurs en leur demandant de diviser leur jeu en mains de huit cartes chacune. L’un des joueurs doit ensuite questionner les autres pour en trouver un qui a la même main que lui. C’est difficile, mais si l’on a beaucoup de joueurs, ce n’est pas impossible. »
Cette analogie vaut pour un patient blanc; pour un patient noir, le jeu se complique considérablement.
« Au lieu d’avoir 52 cartes, vous en avez 5 000. Et maintenant, essayez de trouver quelqu’un qui a la même main que vous, lance le Dr Allan. Il vous faudra beaucoup, beaucoup plus de joueurs. »
Stimuler la diversité ethnique dans les registres de cellules souches et les banques de sang de cordon pourrait aider à changer la donne pour les patients noirs, tout comme le développement de registres dans les pays africains.
Sans cette diversité, les médecins peuvent difficilement offrir le traitement optimal, même dans les cas pour lesquels la greffe est une pratique bien établie. « Il arrive que les patients non caucasiens doivent se contenter d’un jumelage imparfait, ce qui augmente les risques de complication », déplore le Dr Allan.
Revée Agyepong a été guérie de l’anémie falciforme grâce à une greffe de cellules souches qu’elle a reçue en novembre 2017.
Messagère d’espoir
Ayant été l’une des premières à recevoir une greffe de cellules souches pour guérir une anémie falciforme, Revée est très consciente de sa chance. « Il y a des gens qui ont six frères et sœurs, mais aucun compatible. Pour une raison que j’ignore, j’ai eu la chance de mon côté, dit-elle. Ce serait merveilleux s’il y avait plus de recherche pour découvrir des moyens de guérir les gens qui n’ont pas de donneur compatible dans leur famille. »
La jeune femme aide à sa façon, en racontant comment elle a réussi à s’épanouir malgré sa maladie et comment elle s’en est remise. « J’adore partager mon histoire avec les gens parce que mon témoignage leur donne de l’espoir, explique-t-elle. Peu importe la maladie dont vous souffrez, que ce soit l’anémie falciforme ou une autre, dites-vous que la médecine progresse vite et qu’il y a de l’espoir. »