Un programme interprovincial franchit la barre des 1 000 greffes de rein pour les patients difficiles à jumeler

25 juillet 2024
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Arnold Dysart shakes hands with Dr. Peter Nickerson.

Le Programme des patients hyperimmunisés a facilité sa première greffe rénale en 2014, au Manitoba.

Printemps 2014. Arnold Dysart devient la première personne à recevoir un rein grâce au programme que vient de lancer la Société canadienne du sang pour les patients les plus difficiles à jumeler. Dix ans plus tard, le Programme des patients hyperimmunisés a franchi le cap des 1 000 greffes, un accomplissement dont le mérite revient également aux programmes de greffe, aux professionnels de la santé, aux organismes de don d’organes et, surtout, aux donneurs d’organes et à leurs familles, qui font preuve d’une immense générosité. 

Un bassin national de donneurs  

Une personne « hyperimmunisée » est une personne dont le taux d’anticorps est exceptionnellement élevé, ce qui amène son système immunitaire à réagir fortement aux corps étrangers. De ce fait, lorsque cette personne a besoin d’un rein, il est très difficile de lui trouver un donneur compatible. En fait, la moitié des personnes inscrites au Programme des patients hyperimmunisés ne sont compatibles qu’avec une personne sur 10 000. Pour faire image, cela représente 1 ou 2 donneurs potentiels dans une aréna comble d’un match de la LNH, en supposant que chaque personne présente soit prête à donner un rein. 

Arnold fait partie de ces personnes hyperimmunisées. À l’âge de 28 ans, il a appris qu’il souffrait d’une néphropathie à IgA, une maladie qui provoque l’accumulation de protéines dans les reins. Pour avoir une chance de guérir, il lui fallait une greffe rénale, qu’il a pu recevoir grâce à son frère, devenu son donneur. Mais après 17 ans, le rein greffé a cessé de fonctionner et Arnold a eu de nouveau besoin d’un rein. La recherche d’un donneur a été compliquée, car Arnold était devenu hyperimmunisé, ce qui survient parfois après une greffe. Il n’y a pas que les greffés qui peuvent développer une hyperimmunisation : le phénomène peut aussi se produire chez les femmes qui ont vécu une grossesse et les gens qui ont reçu des transfusions sanguines. 

« Souvent, ces trois populations de patients, surtout s’ils ont un degré de sensibilisation élevé, n’arrivent pas à trouver de donneur dans leur province », explique le Dr Peter Nickerson, un médecin manitobain qui a soigné des patients hyperimmunisés. « Pour vraiment maximiser leurs chances, il faut avoir accès aux donneurs de rein potentiels de tout le pays. » 

Cet accès est justement ce qu’offre le Programme des patients hyperimmunisés, que le Dr Nickerson a contribué à lancer en 2013. Il s’agit d’un programme national d’échange de reins géré par la Société canadienne du sang en collaboration avec les programmes provinciaux de don et de greffe. 

Un long chemin  

Il n’a pas été facile de parvenir à un système pancanadien. Avant 2014, les reins donnés dans une province restaient dans cette province. Les soins de santé étant de compétence provinciale, le Dr Nickerson a dû mener de nombreuses négociations pour que l’échange interprovincial de reins devienne réalité. 

« Nous avons dû obtenir l’accord de chaque province, souligne-t-il. En tant que seul système de santé véritablement pancanadien, la Société canadienne du sang a facilité les discussions, ce qui a grandement aidé. » 

Dr. Peter Nickerson headshot wearing a blue blazer
Le Dr Peter Nickerson, aujourd’hui doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université du Manitoba, a joué un rôle déterminant dans la création du Programme des patients hyperimmunisés. 

Pour obtenir l’adhésion des provinces, il a été nécessaire de travailler avec les laboratoires qui effectuaient les analyses prégreffe; tous devaient fournir la même précision quant à l’établissement de la compatibilité entre un donneur et un receveur potentiel. Forte de son expérience et de son expertise en matière d’analyses sanguines, la Société canadienne du sang a dispensé la formation requise aux laboratoires visés du pays. 

« Voyant que nous avions normalisé les tests, les provinces étaient disposées à aller de l’avant, explique le Dr Nickerson. Elles avaient l’assurance que lorsqu’un rein serait prélevé, il irait à la bonne personne. Cela les a rassurées. » 

Un nouvel espoir pour les patients les plus difficiles à jumeler 

Des gens qui attendaient un rein depuis près de 20 ans ont commencé à voir la lumière au bout du tunnel. « Les patients hyperimmunisés n’attendent plus 15-20 ans, se réjouit le Dr Nickerson. On les inscrit sur la liste d’attente, ils reçoivent leur rein, puis on retire leur nom de la liste. Leur temps d’attente n’est plus très différent de celui des autres patients; il y a maintenant une meilleure équité. » 

Peu de temps après la création du Programme des patients hyperimmunisés, les États-Unis ont mis en place un programme similaire. D’autres pays souhaitent aussi adopter l’approche canadienne. 

Arnold sait que son rein a fait le voyage depuis la côte Est jusqu’à sa province natale, le Manitoba. Il sera à jamais reconnaissant d’avoir reçu ce don de vie.  

« J’aimerais avoir la chance de contacter la famille de mon donneur, de leur parler avec mon cœur, dit Arnold. Je pleurerais probablement beaucoup tellement je serais heureux. Je leur dirais que grâce à eux, j’ai eu une nouvelle chance de vivre. » 

Les 1 000 greffes de rein réalisées grâce au Programme des patients hyperimmunisés, ce sont 1 000 personnes, comme Arnold, qui n’auraient peut-être jamais trouvé de donneur compatible dans leur province. Pour en savoir plus sur la façon dont le programme change des vies, consultez le site sang.ca/PPHI1000

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