Optimisation du test MMA (monocyte monolayer assay)
En bref ...
Des chercheurs déterminent les conditions optimales de réalisation du test MMA, un test de laboratoire permettant de prédire la sévérité des réactions indésirables aux produits sanguins.
Il est difficile de savoir à l’avance quels anticorps provoqueront une grave réaction clinique. Le test MMA (monocyte monolayer assay) est un test cellulaire mené en laboratoire et utilisé pour déterminer la signification clinique des anticorps d’un patient, c’est-à-dire la probabilité que les anticorps du receveur provoquent la destruction des globules rouges transfusés.
Ce test consiste à isoler et à disposer les monocytes, cellules immunitaires que l’on pense être à l’origine de la destruction des globules rouges lors d’une réaction indésirable, en une monocouche sur une lamelle. Ensuite, on mélange les globules rouges à des anticorps pour que ceux-ci se lient aux globules rouges, puis on ajoute le tout aux monocytes.
Pour finir, on détermine, à l’aide d’un microscope, le nombre de monocytes qui se sont liés à un ou plusieurs globules rouges, ou qui en ont ingéré, ou phagocyté. Ce nombre permet de calculer l’« indice phagocytaire ». Un indice peu élevé (moins de 5 %) indique que les globules rouges ne seront probablement pas détruits par phagocytose et que le patient n’aura pas de réaction indésirable grave.
Ce test, mis au point par un chercheur de la Société canadienne du sang, le Dr Don Branch, est utilisé depuis plus de 35 ans pour prédire les résultats cliniques des transfusions de sang incompatible. Au cours des dernières années, il a été adapté pour observer la destruction des globules rouges lors de l’administration d’immunoglobulines intraveineuses. Malgré sa longue utilisation, les conditions optimales pour le réaliser n’ont jamais été solidement établies. En particulier, on n’a jamais déterminé de façon optimale de préparer et de stocker le sang total et les monocytes en vue d’un test MMA. Enfin, on ne sait pas vraiment si l’utilisation des monocytes du receveur (monocytes « autologues ») ou ceux d’une autre personne (monocytes « allogéniques ») affecte les résultats du test.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont cherché à déterminer les meilleures conditions dans lesquelles réaliser le test MMA afin que la fonction monocytaire soit préservée lors du test. Pour ce faire, ils ont prélevé du sang total de donneurs en bonne santé dans trois solutions d’anticoagulant différentes (ACD, EDTA et héparine). Ils les ont ensuite entreposés à température ambiante et à 4 °C pendant une durée maximale de deux jours. Ils ont également déterminé le pH optimal pour la conduite du test. Des globules rouges spéciaux, susceptibles d’être détruits par les monocytes, ont été utilisés comme contrôles positifs à des fins de vérification du test. Les chercheurs ont examiné le sang de patients ayant connu ou non des réactions d’hémolyse (destruction des globules rouges) significatives d’un point de vue clinique à la suite d’un traitement aux immunoglobulines intraveineuses, et ce, afin d’établir des corrélations entre les résultats du test et les cas cliniques.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Après la réalisation d’une comparaison juxtaposée avec l’EDTA et l’héparine, on a découvert que l’ACD était le meilleur anticoagulant pour préserver la fonction monocytaire en vue d’un test MMA.
- La fonction monocytaire est bien préservée pendant la conservation du sang total, et cela jusqu’à 36 heures.
- La fonction monocytaire n’est pas correctement préservée lorsque le sang total est entreposé pendant 48 h à température ambiante.
- La conservation du sang total à 4 °C affecte grandement le nombre de monocytes pouvant être recueillis.
- Un pH optimal de 7,4 a été déterminé.
- Les résultats du test MMA réalisé sur les échantillons de sang total conservés et expédiés correspondaient aux niveaux cliniques de destruction des globules rouges.
- Lors de la comparaison des monocytes du receveur (autologues) et des monocytes de contrôle sains (allogéniques), seuls les tests réalisés avec des monocytes autologues ont fourni des résultats consistants correspondant aux résultats cliniques.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Les résultats de cette étude exhaustive montrent que l’on peut réaliser un test MMA en toute fiabilité sur des échantillons de sang additionnés d’anticoagulant ACD lorsque ceux-ci ont été conservés à température ambiante pendant une durée maximale de 36 heures et que le pH physiologique est maintenu pendant le test.
Par ailleurs, l’étude met en lumière l’importance de l’utilisation de monocytes autologues lors de la réalisation d’un test MMA. En effet, l’utilisation de monocytes d’une personne autre que le patient pourrait donner des résultats moins pertinents. De nombreux laboratoires utilisent des monocytes provenant de sang total frais de donneurs bénévoles en bonne santé plutôt que ceux des patients. Cela s’explique en partie par des préoccupations liées à l’état des monocytes après l’expédition et la conservation nécessaires à l’acheminement du sang du patient au laboratoire et à la réalisation du test. Or, les conditions optimales décrites dans cette étude montrent que le test peut être mené avec succès sur des échantillons de sang ayant été expédiés, puis conservés. L’étude montre également qu’avec l’utilisation de monocytes autologues, les résultats sont plus précis et reflètent mieux ce qui pourrait se passer chez le patient.
Cette étude s’est concentrée sur les réactions liées à l’administration d’immunoglobulines intraveineuses. Des études ultérieures devront confirmer si l’utilisation de conditions identiques avec des monocytes autologues permet également de prédire avec précision la signification clinique des anticorps chez les patients nécessitant une transfusion sanguine. Ainsi, grâce à l’optimisation du test MMA, il sera désormais possible de déterminer si l’administration d’immunoglobulines intraveineuses ou la transfusion de sang entraînera une réaction cliniquement pertinente et, par conséquent de choisir le produit sanguin le plus approprié aux patients.
À propos de l’équipe de recherche
L’étude a été menée au laboratoire du Dr Don Branch, chercheur à la Société canadienne du sang et professeur dans les départements de médecine de laboratoire et de pathobiologie de l’Université de Toronto, et chercheur affilié au Réseau universitaire de santé de Toronto (Ont.).
Le Dr Branch a permis la conception du test MMA, une réalisation honorée par deux prix AABB : le Prix Morten-Grove-Rasmussen 2003 et le prix Sally Frank Memorial Award and Lectureship 2014.
Tik Nga (Cindy) Tong est une étudiante de troisième cycle soutenue par la Société canadienne du sang; Emeralda Burke-Murphy et Darinka Sakac sont des assistantes de recherche au sein du laboratoire de recherche du Dr Branch, à Toronto (Ont.). Ont également collaboré le Dr Jacob Pendergrast et laDre Christine Cserti-Gazdewich du Réseau universitaire de santé de Toronto (Ont.), ainsi que le Dr Vincent Laroche de l’Université Laval, à Québec (QC).
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Tong TN, Burke-Murphy E, Sakac D, Pendergrast J, Cserti-Gazdewich C, Laroche V, Branch DR: Optimal conditions for the performance of a monocyte monolayer assay. Transfusion 2016 doi: 10.1111/trf.13766
Remerciements : Tik Nga (Cindy) Tong est récipiendaire du prix du Programme de bourses de recherche doctorale de la Société canadienne du sang. Cette étude a bénéficié du financement de la Société canadienne du sang, elle-même financée par le gouvernement fédéral (Santé Canada), ainsi que les ministères de la Santé provincial et territorial. Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéraux, provinciaux ou territoriaux du Canada.
La Société canadienne du sang tient à remercier tous les donneurs de sang qui ont permis de mener cette étude.
Mots-clés : test MMA, monocyte monolayer assay, réaction indésirable, IgIV, globules rouges, anticorps, antigène.
Vous voulez en savoir plus? Contactez le Dr Donald Branch don.branch@utoronto.ca
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.