De nouveaux sommets pour l’éducation au don d’organes et de tissus
Lucie Dumont, enseignante et alpiniste, était destinée à sensibiliser les adolescents au don d’organes
Une suite d’événements a destiné Lucie Dumont à militer activement en faveur du don d’organes et de tissus.
Son parcours n’a rien d’un long fleuve tranquille. Pour l’enseignante d’anglais, langue seconde, tout a débuté lorsqu’elle a rencontré celui qui est aujourd’hui son mari, Claude Duguay, un alpiniste réputé.
« Il m’a fait découvrir un tout nouveau monde », raconte Lucie, résidente de Rivière-du-Loup, au Québec. « Il m’a prise comme assistante dans la compagnie de voyages d’aventures où il travaille comme guide. À un moment donné, on m’a demandé d’accompagner un groupe au Pérou parce que je parle espagnol. C’est comme ça que je suis moi-même devenue guide. »
Pour mieux se consacrer à sa passion, l’alpinisme, Lucie quitte son emploi comme conseillère pédagogique à la Commission scolaire de Kamouraska–Rivière-du-Loup et retourne enseigner à plein temps. Son objectif est fort simple : travailler suffisamment pour obtenir un congé sabbatique et partir à l’assaut des montagnes. Objectif qu’elle atteint. À son retour en classe, un deuxième événement vient changer la donne.
Des signes du destin
En 2004, Lucie coordonne un événement public avec les élèves du programme d’anglais, langue seconde (ALS) : la venue de Kristopher Knowles, un jeune Ontarien en attente d’une greffe de foie qui parcourt le Canada pour accroître la sensibilisation au don d’organes.
Kristopher est bien connu des élèves, qui ont suivi son périple et amassé des fonds pour son projet. La visite de l’adolescent comprend une rencontre avec le maire, une marche avec l’ensemble des élèves et un arrêt dans une classe d’anglais, où lui et son père livrent un vibrant témoignage.
« Jamais je n’avais été aussi touchée de toute ma vie, se souvient Lucie. Les élèves étaient excités et fiers d’utiliser leurs nouvelles compétences en anglais pour expliquer qu’ils avaient suivi la campagne de Kristopher depuis son lancement, à Terre-Neuve. »
L’histoire de Kristopher et l’enthousiasme de ses élèves sont une source d’inspiration pour Lucie. Elle réalise que le don d’organes est méconnu et cherche une façon d’améliorer les choses quand survient un troisième événement : le concours national de l’association pour le don d’organes Step-by-Step, qui invite les élèves à trouver des moyens de sensibiliser leurs pairs au don d’organes. L’une des élèves de 11e année, Josianne Sirois, demande à Lucie de l’aider à créer un site Web.
Cette demande habite l’enseignante, et une nuit, après avoir rêvé qu’elle escaladait le mont Everest, elle se réveille avec le sentiment puissant que c’est ça, la mission de sa vie : amener l’éducation au don d’organes en milieu scolaire. « Je savais que l’ascension serait longue et difficile, dit Lucie. Il faudrait vraiment que beaucoup de choses se mettent en place avant que j’arrive au sommet, mais dans mon rêve, une voix m’avait dit que ce voyage serait la preuve concrète que quelque chose de plus grand que nous est à l’œuvre. »
Le parcours de Lucie pour mettre sur pied le programme éducatif qu’elle a en tête sera ponctué de synchronicités aussi incroyables les unes que les autres. C’est d’ailleurs en partie ce qui rendra le résultat si unique.
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Lucie Dumont, militante pour le don d’organes, pendant un moment de contemplation lors d’une expédition qu’elle a dirigée à destination du camp de base de l’Everest, au Népal, en mars 2018.
Une mission
En tant qu’enseignante chevronnée et alpiniste, Lucie a l’habitude de trimer dur pour avancer. Elle se doute bien qu’il sera difficile de faire adopter un nouveau programme à des enseignants surchargés. Ce qu’il faut, c’est intégrer le programme à leur charge de travail, et non l’y ajouter.
Elle travaille donc à élaborer du matériel qui pourra être intégré facilement au programme d’anglais, langue seconde. Son expérience lui ayant appris qu’il n’y a rien comme des activités signifiantes et créatives pour favoriser l’apprentissage d’une langue, elle mise sur des activités interactives qu’elle articule autour de quatre grandes valeurs : la générosité, la solidarité, la santé et la responsabilité personnelle et sociale.
Les buts de Lucie sont clairs : amener les élèves à discuter du don d’organes et de tissus en famille et à adopter de saines habitudes de vie. L’enseignante sait que le succès dépendra non seulement de la qualité du programme, mais aussi de la motivation et de l’engagement des enseignants à le présenter. Pour favoriser sa réussite, elle s’entoure de nombreux enseignants et spécialistes, dont une spécialiste réputée en didactique des langues, Judith Rohlf.
Après sept ans de travail de conception, de validation auprès des enseignants et de mises au point, le programme d’éducation au don d’organes et de tissus Chaîne de vie voit le jour.
Plus qu’un simple programme
Chaîne de vie sensibilise les jeunes de quinze à dix-sept ans au don d’organes et de tissus.
Chaîne de vie est un organisme de bienfaisance dont la mission première est de soutenir le programme éducatif du même nom conçu pour sensibiliser les jeunes de quinze à dix-sept ans au don d’organes et de tissus. Le programme aide les jeunes à prendre une décision personnelle éclairée sur le don d’organes et de tissus et les encourage à discuter de cet important enjeu de société en famille. Il leur fait également découvrir les merveilles du corps humain et l’importance d’une bonne santé.
À l’heure actuelle, le programme Chaîne de vie est implanté dans une centaine d’écoles québécoises. Déjà près de 100 000 jeunes ont été touchés par les messages que le programme véhicule et la Société canadienne du sang espère contribuer à faire augmenter ce nombre. Le programme Chaîne de vie fait partie des ressources offertes sur le nouveau portail éducatif Organes et tissus pour la vie, qui a été conçu en collaboration avec divers organismes de don et de greffe d’organes et de tissus du Canada. Le portail est un moyen de partager des outils pédagogiques avec éducateurs, parents et élèves afin d’éveiller l’intérêt des jeunes pour le don d’organes et de favoriser les discussions. Les ressources, qui sont divisées par catégorie d’âge, sont faciles d’accès et simples à utiliser.
Les maillons du programme Chaîne de vie ont évolué grâce à une extraordinaire collaboration de divers acteurs des milieux de la santé et de l’éducation. Au bout du compte, le programme implique toutes les parties ayant un rôle à jouer dans la sensibilisation au don d’organes.
Graphique de Chaîne de vie montrant les groupes de personnes et organismes qui jouent un rôle dans la promotion du don d’organes et dans l’éducation au don et à la greffe d’organes et de tissus
Parfait pour les ados qui apprennent l’anglais
Selon Lucie et ses collègues, l’anglais, langue seconde, est la matière idéale pour lancer des discussions sur le don d’organes.
« Les enseignants d’ALS ont des objectifs d’apprentissage, mais c’est eux qui décident des thèmes, explique Lucie. Nous croyons qu’en touchant le cœur des gens, nous touchons aussi leur esprit. Et les jeunes de quinze à dix-sept ans font partie de la tranche d’âge la plus ouverte à la discussion de sujets sensibles et d’enjeux importants. »
Lucie élabore le programme avec un groupe de collègues. Ensemble, ils préparent un module qu’ils présentent graduellement à d’autres enseignants. Les activités, interactives, suscitent des discussions sur divers sujets : pourquoi le don d’organes est-il important, pour quelles raisons une personne pourrait-elle avoir besoin d’un don d’organes ou de tissus, comment peut-on devenir donneur, comment se fait la recherche d’un donneur, comment la compatibilité donneur-receveur est-elle établie, etc. Lucie souhaite également aider les élèves à comprendre la mort cérébrale et le consentement de la famille, deux éléments essentiels pour que le don puisse avoir lieu.
« Nous amenons les élèves à réfléchir sur le fait que s’ils veulent un jour donner leurs organes, ils doivent commencer à en prendre soin dès aujourd’hui afin d’avoir un corps en santé. Cela signifie qu’ils ne peuvent pas boire d’alcool de manière excessive », illustre Lucie, ajoutant que les discussions portent également sur l’éthique du don d’organes et le processus d’attribution.
Les élèves sont par ailleurs appelés à faire des travaux d’écriture, comme un poème ou une lettre à leurs parents.
Doris Rainha échange avec des élèves de sa classe d’anglais, langue seconde, à l’École secondaire PaulArseneau, à L’Assomption (Québec), en octobre 2021.
Plus d’enseignants
Certains des enseignants qui ont adopté Chaîne de vie ont par la suite contribué à son développement. C’est le cas de Doris Rainha.
Doris enseigne l’anglais, langue seconde, depuis maintenant 27 ans dans une école de L’Assomption, près de Montréal. Elle découvre le programme lors d’un congrès en 2009 et l’intègre rapidement à son enseignement.
« On était au début de juin et les plus vieux étaient sur le point d’obtenir leur diplôme. Ils avaient déjà l’esprit ailleurs alors il était difficile de les garder intéressés. En plus, il faisait beau et tout ce qu’ils voulaient, c’était profiter du beau temps, se souvient Doris. Mais j’ai quand même présenté le matériel. Ils étaient fascinés. Ils n’avaient jamais entendu parler du don d’organes. »
Parmi les élèves figure Stéphanie Tapp. Stéphanie, qui souhaite devenir infirmière, est étonnée d’apprendre que le don d’organes ne va pas de soi lors d’un décès. « Les Québécois sont de nature généreuse, alors pourquoi n’étendent-ils pas cette générosité au don d’organes? », demande-t-elle. De retour chez elle, elle raconte ce qu’elle a appris et informe sa famille qu’à son décès, elle aimerait faire don de ses organes et de ses tissus.
Malheureusement, trois semaines plus tard, Stéphanie meurt dans un accident de la route. Sachant qu’elle souhaitait faire don de ses organes et de ses tissus, sa famille consent au don. Si Stéphanie n’avait pas clairement exprimé son souhait, ses parents, qui n’étaient pas en faveur du don d’organes, auraient pris une décision tout autre.
La mère de Stéphanie, Sylvie Massia, a enregistré un témoignage vidéo, qui a été intégré au programme Chaîne de vie. Et Doris, qui a enseigné à Stéphanie, utilise toujours le programme, douze ans plus tard. Elle travaille même avec Lucie pour dispenser de la formation aux éducateurs.
Le témoignage de Sylvie Massia, Une discussion en famille sauve quatre vies, fait partie intégrante du programme Chaîne de vie.
Une forte charge émotionnelle
Thomas Fragman, enseignant d’ALS à Mascouche, au Québec, enseigne, lui aussi, depuis 27 ans. Comme Doris, il est parmi les premiers à adopter le programme. Il fait un premier essai en 2008, après avoir suivi un atelier de Chaîne de vie.
« L’une des activités est un jeu de jumelage. Chaque élève reçoit une carte décrivant un scénario dans lequel il ou elle a besoin d’un organe ou a la possibilité d’en donner un. Les élèves doivent rester debout jusqu’à ce qu’ils aient trouvé le scénario complémentaire au leur, explique Thomas. Par exemple, une carte pourrait dire : “Je m’appelle Anita, j’ai quinze ans et j’adore peindre. Je souffre d’une forme grave de diabète et je viens d’apprendre que si je ne reçois pas une greffe de pancréas, je vais mourir. Je veux vivre ma passion et je ne peux m’empêcher de penser que je n’aurai peut-être pas cette chance. Est-ce que j’aurai le privilège de trouver un donneur?” »
« À la fin de l’activité, presque tous les élèves sont encore debout. Tout le monde me regarde en disant que quelque chose cloche. Je leur réponds que le jeu fonctionne comme il le devrait, que s’ils n’ont pas trouvé de donneur, c’est qu’il n’y en a pas. Nous discutons ensuite du sentiment que vivent les malades en attente d’une greffe et de ce qui pourrait être fait pour améliorer les choses. »
Le Défi Chaîne de vie
Chaîne de vie dépend entièrement de dons, qui proviennent principalement du Défi Chaîne de vie, une initiative liée à la passion de la fondatrice : la montagne.
Depuis 2015, les participants du Défi grimpent des montagnes de toutes les régions du Québec pour y planter le drapeau de l’organisme. En plus de sensibiliser les gens au don d’organes et de tissus, le Défi est une source de financement. L’argent amassé permet de poursuivre l’important travail amorcé, de concevoir des outils pour amener les familles à parler du don d’organes et de démystifier les mythes qui y sont rattachés.
Vers un public anglophone
Si le programme a démarré dans les cours d’anglais, langue seconde, il est maintenant en voie d’étendre sa portée.
Robin Vero, qui enseigne l’anglais avancé à Lachute, au Québec, a découvert le programme il y a trois ans par l’entremise d’une ancienne élève dont le père avait fait don de ses organes. Cette ancienne élève, devenue infirmière, était impliquée dans Chaîne de vie et, à la demande de Lucie, elle s’était mise à la recherche d’un enseignant ou d’une enseignante qui pourrait aider l’équipe pédagogique à créer un volet pour les adolescents anglophones.
Robin a répondu à l’appel et relevé le défi avec l’aide de quelques collègues de son école. Le programme d’ALS fait donc l’objet d’une adaptation pour le programme d’anglais avancé. Ainsi, certaines activités seront modifiées pour être mieux adaptées aux anglophones et aux objectifs de la matière, qui vise davantage la lecture et l’écriture.
« Nous incluons des questions d’éthique et des débats, explique Robin. Nous croyons qu’il sera vraiment bon pour les élèves de réfléchir à ces questions et de s’informer; cela les obligera à bien articuler leurs pensées. »
Au-delà des frontières
Lucie Dumont a pris sa retraite de l’enseignement il y a deux ans, après trente-cinq ans de loyaux services. Mais cela ne l’empêche pas de continuer à travailler avec son équipe à faire rayonner Chaîne de vie au-delà du Québec, non seulement dans d’autres provinces du Canada, mais dans d’autres pays.
Selon Lucie, la clé de la réussite réside dans la collaboration.
« Mieux nous réussirons à transmettre notre façon d’inspirer les jeunes et de susciter leur intérêt, plus le mouvement deviendra fort à la grandeur du Canada. La Société canadienne du sang et plusieurs autres organismes du pays partagent les mêmes valeurs que nous et je ne peux que me réjouir de travailler avec eux. »
« Si nous pouvions avoir une version de Chaîne de vie dans chaque région, nous pourrions amener les enseignants à promouvoir le don d’organes et de tissus, et par la même occasion, les valeurs qui y sont associées, comme la générosité, la santé et la responsabilité sociale. »
Un donneur d’organes peut sauver jusqu’à 8 vies, et un don de tissus a le potentiel d’améliorer la vie de 75 personnes. Au Canada, plus de 4 400 personnes attendent la greffe qui leur sauvera la vie. Officialisez votre intention de donner vos organes et vos tissus en vous inscrivant au registre de don d’organes de votre province ou territoire, et discutez-en avec votre famille, c’est important.
Vous êtes à la recherche de ressources pédagogiques sur le don d’organes? Consultez notre nouveau portail éducatif Don et tissus pour la vie.