Vers une uniformisation des politiques d’exclusion du don de sang et de plasma
En bref ...
L’identification de priorités de recherche permettra de générer des données probantes qui serviront à étayer la modification de la politique d’exclusion du don de sang et de plasma des HARSAH.
Depuis, les connaissances sur la transmission du VIH et les maladies liées à celui-ci se sont améliorées, et des tests de dépistage de la présence du virus dans le sang sont maintenant disponibles. Toutefois, bien que les critères d’admissibilité des HARSAH aient évolué ces dernières années, les HARSAH ayant une vie sexuelle active ne peuvent toujours pas donner du sang dans de nombreux pays, dont le Canada. Cette politique étant très controversée, nous nous devons de la moderniser au nom de l’équité et de l’intégration sociales tout en restant conscients de l’extrême importance de la sécurité de l’approvisionnement en sang.
Les politiques d’exclusion se basent sur des données probantes, et doivent prendre en compte les avancées scientifiques et technologiques ainsi que des considérations d’ordre éthique et moral. En 2017, la Société canadienne du sang, Héma-Québec et Santé Canada ont organisé une rencontre internationale dans le but de revoir les politiques d’exclusion des HARSAH en vigueur dans divers pays, ainsi que l’état actuel des connaissances scientifiques. La rencontre a donné lieu à un rapport qui définit notamment des priorités en matière de recherche.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Pendant la rencontre, plusieurs politiques nationales d’exclusion des HARSAH ont été passées en revue en mettant particulièrement l’accent sur la prévalence du VIH dans la population générale et chez les donneurs, la non-divulgation des comportements à risque par les donneurs dans le questionnaire pré-don et la modélisation des risques. Les débats ont permis d’identifier des éléments pouvant être modifiés dans les politiques d’exclusion existantes ainsi que les études qui permettraient de prendre des décisions éclairées.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
Les politiques nationales d’exclusion des HARSAH varient, et cela, en partie à cause des différences épidémiologiques liées au VIH. Dans les pays où la prévalence du VIH est similaire chez les HARSAH et dans le reste de la population, aucune politique d’exclusion n’a été mise en place. Tandis que dans les pays où elle est considérablement plus élevée chez les HARSAH que chez les autres hommes, les HARSAH sont exclus du don de sang en fonction de leur dernière relation sexuelle. Enfin, d’autres pays utilisent des critères indifférents à l’égard du genre et basés sur des comportements, comme des relations sexuelles avec un nouveau ou avec plusieurs partenaires, considérés comme étant à haut risque.
Plusieurs pays ont déjà commencé à modifier leur politique d’exclusion des HARSAH. À l’instar d’autres pays, le Canada est d’abord passé d’une exclusion définitive du don de sang à une période d’exclusion de cinq ans en 2013, puis à une période d’exclusion de douze mois en 2016. Ces changements ont pu être effectués grâce à la mise en place de processus normalisés et automatisés, et à l’adoption de nouvelles techniques de dépistage du VIH (tests des acides nucléiques), qui réduisent à moins de dix jours la période de latence pendant laquelle le virus ne peut être détecté. Les données recueillies permettront de réaliser des études d’évaluation et de modélisation des risques, et serviront à étayer le passage d’une stratégie préventive à une stratégie de gestion des risques.
Les organismes responsables de la réglementation des opérateurs sanguins s’accordent également à dire que les modifications apportées aux politiques d’exclusion des HARSAH doivent être étayées par des données probantes. Enfin, l’impact potentiel de ces modifications devra être surveillé et évalué, ainsi que la sécurité du système d’approvisionnement en sang après la mise en œuvre de ces changements.
Résultats de l’examen des répercussions des différentes politiques d’exclusion des HARSAH :
- Plusieurs opérateurs sanguins ont récemment réduit leur période d’exclusion des HARSAH de cinq et dix ans à douze mois sans que le nombre de personnes séropositives n’augmente.
- Au Canada, avec une unité infectée sur 21,4 millions, la prévalence du VIH dans le sang donné est restée très faible entre 2012 et 2014. Ces chiffres sont comparables à ceux enregistrés entre 2006 et 2009, et ce, malgré une modification de la politique d’exclusion définitive des HARSAH qui a été ramenée à une période d’exclusion de cinq ans en 2013.
- En Italie et en Espagne, où les critères d’admissibilité au don sont comportementaux, la prévalence du VIH est plus élevée que dans les autres pays. Beaucoup de donneurs séropositifs n’ayant pas divulgué certaines informations dans le questionnaire pré-don, ils n’ont pas pu être exclus du don de sang. À noter que beaucoup de ces donneurs étaient des HARSAH.
- En Espagne, la prévalence du VIH chez les primo-donneurs est similaire à celle que l’on retrouve dans la population générale, ce qui suggère l’inefficacité de ce processus de sélection des donneurs basé sur des critères comportementaux à réduire la prévalence du VIH dans le sang donné.
- Concernant la non-divulgation des comportements à risque par les donneurs, ce phénomène varie selon les pays et dépend de la politique d’exclusion en elle-même. Au Canada, le taux de non-divulgation des comportements à risque est passé de 0,67 %, avec une politique d’exclusion définitive, à 0,44 %, avec une politique d’exclusion de cinq ans.
Cette rencontre internationale a permis de définir trois stratégies de recherche principales afin d’étayer une éventuelle modification des politiques d’exclusion des HARSAH, à savoir :
- l’identification de sous-groupes de HARSAH qui présenteraient le moins de risques ou de comportements à risque;
- la détermination de la faisabilité opérationnelle des éventuels changements, dont la détermination d’un niveau de risque acceptable; et
- l’évaluation des risques associés aux éventuels changements. Par ailleurs, la collaboration et le partage de larges ensembles de données pourraient améliorer la fiabilité des évaluations de risques et mener à l’élaboration d’une approche internationale normalisée.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Quelle que soit l’utilité de l’expérience des autres opérateurs sanguins, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique d’exclusion pour les HARSAH dépendent souvent de facteurs locaux. En effet, plusieurs éléments doivent être pris en compte, comme l’épidémiologie des maladies transmissibles par voie transfusionnelle, telles que les maladies liées au VIH et l’hépatite B; les techniques et les processus mis en place pour empêcher la distribution de produits sanguins contaminés; la capacité à surveiller la sécurité du système d’approvisionnement en sang après l’adoption des changements; et le contexte de réglementation, lequel a peut-être connu une tragique crise de santé publique.
L’éducation des donneurs est essentielle et indépendante de la politique d’exclusion, tandis que les défis susceptibles de survenir dépendent de la politique. Moins les donneurs comprennent les enjeux liés à une politique d’exclusion basée sur des critères comportementaux, plus ils sont susceptibles de ne pas mentionner d’importantes informations. Par exemple, en Italie, un tiers des donneurs séropositifs ont eu un comportement à risque – dont ils n’étaient pas conscients – qui aurait dû les exclure du don de sang.
Les priorités de recherche présentées ici procurent différentes façons de faire le lien entre équité sociale et sécurité de l’approvisionnement en sang. Grâce à ces priorités, les chercheurs pourront mener des études dans le but de résoudre les questions sur l’exclusion des HARSAH et d’engendrer de nouvelles données et idées, qui permettront de trouver un équilibre entre sécurité du sang et égalité des donneurs.
À propos de l’équipe de recherche
La Dre Mindy Goldman est directrice médicale à la Société canadienne du sang et la Dre Sheila O’Brien est directrice adjointe du service d’épidémiologie et de surveillance de la Société canadienne du sang. Toutes deux sont également professeures associées à l’Université d’Ottawa. Dana Devine est chercheuse en chef à la Société canadienne du sang et professeure dans le département de pathologie et médecine de laboratoire de l’Université de Colombie-Britannique. Le Dr Andrew Shih est hématologue et spécialiste en médecine transfusionnelle à l’hôpital général de Vancouver.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Goldman M, Shih AW-Y, O'Brien SF, Devine D. Donor Deferral Policies for Men Who Have Sex with Men: Past, Present and Future. Vox Sang 2018; 113: 95-103.
Remerciements : Cette étude a reçu des fonds de la part de la Société canadienne du sang, elle-même financée par le gouvernement fédéral (Santé Canada) et les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé. Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada.
Mots-clés : HARSAH, hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, exclusion du don de sang, VIH
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec Dana Devine, par courriel, à Dana.Devine@blood.ca.
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