Un sur un million : un modèle pour gérer les réserves de sang rare
En bref ...
Combinée à une augmentation des analyses du sang de donneurs, la conservation d’une petite quantité de sang rare congelé est la solution la plus sûre pour garantir l’accès des patients canadiens ayant un sang rare à des transfusions de globules rouges dès qu’ils en ont besoin.
Il peut s’avérer difficile de trouver un donneur compatible lorsque la personne nécessitant une transfusion possède un sang rare. À l’instar de nombreux pays, le Canada s’est doté d’un programme de sang rare qui vise à répertorier les groupes sanguins rares au moyen d’analyses approfondies du sang des donneurs afin de connaître précisément la combinaison d’antigènes présents sur les globules rouges. En plus de tenir à jour un registre des donneurs de sang rare connus, la Société canadienne du sang encourage ces personnes à faire des dons réguliers et à inciter leurs proches à faire analyser leur sang. Elle conserve également des unités de sang rare congelées. Le programme de sang rare de la Société canadienne du sang assure la gestion de 29 différents groupes sanguins rares provenant de 1 800 donneurs et conserve environ 800 unités de sang rare congelées dans l’ensemble du pays.
Les dons de personnes ayant un sang rare sont systématiquement signalés. L’unité de sang est d’abord conservée sous forme liquide afin de servir s’il existe un besoin immédiat pour ce groupe sanguin. Si elles ne sont pas utilisées avant la moitié de leur durée de conservation (42 jours), les unités sont parfois congelées à des fins d’utilisation ultérieure. Celles qui ne sont pas congelées quittent les réserves de sang rare deux semaines avant la fin de leur durée de conservation pour être remises en circulation dans les réserves ordinaires et être transfusées à une personne compatible qui en a besoin. Cela évite de les gaspiller.
Comment savoir quand congeler une unité de sang rare? Les chercheurs à l’origine de cette étude ont eu recours à la modélisation analytique et à la simulation pour déterminer comment améliorer la gestion des réserves liquides et congelées de groupes sanguins rares et optimiser l’accès des patients au sang rare.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Ils se sont interrogés sur le degré de rareté requis pour commencer à faire des réserves congelées d’un groupe sanguin. Pour ce faire, ils ont analysé l’offre et la demande de groupes sanguins rares, ce qui les a aidés à déterminer les taux minimums d’analyse du sang des donneurs pour garantir un approvisionnement stable en sang rare. Un modèle de simulation a alors permis de comprendre le lien entre la conservation de réserves de sang congelé et l’accès des patients à du sang rare.
À partir des renseignements sur les donneurs de sang rare au Canada, les chercheurs ont créé 29 scénarios de simulation. Les paramètres pris en compte dans chaque scénario étaient les suivants : un groupe sanguin rare, sa fréquence au sein de la population canadienne, le nombre de donneurs connus (le cas échéant) au mois de novembre 2016, et les réserves congelées disponibles (le cas échéant). Les chercheurs ont mis à l’essai des limites de 0, 2, 4 ou 6 unités congelées de sang des groupes O+, O−, A+ et A−.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
L’étude des entrées et sorties du sang rare dans les réserves liquides et congelées a révélé aux chercheurs que pour 27 des 29 groupes sanguins rares gérés par la Société canadienne du sang, le nombre de donneurs connus est inférieur au minimum requis pour garantir un approvisionnement stable, d’après les calculs mathématiques. Nous n’avons donc pas identifié suffisamment de donneurs ayant un groupe sanguin rare pour assurer la stabilité des réserves.
De manière générale, les chercheurs ont constaté que plus un groupe sanguin est rare, plus le patient doit attendre pour avoir accès au sang.
Cependant, dans certains scénarios, la rareté du sang n’avait pas d’incidence sur l’attente des patients, grâce aux programmes visant à analyser le sang des proches de donneurs de sang rare, qui permettaient d’identifier suffisamment de donneurs. L’étude a également révélé que pour éviter l’attente des patients dont le sang présente une fréquence inférieure à une personne sur 3 000, il est nécessaire de disposer d’une certaine quantité de sang congelé pour que des unités soient disponibles dès que ce type de sang est recherché. Le fait d’avoir au moins deux unités congelées réduisait considérablement l’attente des patients. Pour autant, conserver plus de deux unités de sang O+, O−, A+ et A− ne réduisait aucunement l’attente.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
N’importe qui peut avoir un groupe sanguin rare : les patients qui ont besoin de transfusions de sang rare et les donneurs de sang rare constituent essentiellement la même population. Pour maximiser l’accès des patients aux groupes sanguins rares, il faut maintenir un équilibre fragile entre les analyses permettant d’identifier les donneurs de sang rare, les programmes visant à inscrire et retenir ces donneurs, et l’utilisation de réserves congelées pour atténuer les écarts inévitables entre l’offre et la demande. Cette étude a démontré que même si une certaine quantité de sang congelé est nécessaire pour amortir les fluctuations de l’offre et de la demande de sang rare, il est peu probable que de grosses réserves permettent d’en améliorer l’accès. Au contraire, les résultats laissent penser que, combinée à une augmentation des analyses du sang de donneurs, la conservation d’une petite quantité de sang rare congelé est la solution la plus sûre pour garantir l’accès des patients canadiens ayant un sang rare à des transfusions de globules rouges dès qu’ils en ont besoin.
Grâce à cette étude, le programme de sang rare de la Société canadienne du sang a pu déterminer le minimum et le maximum optimal d’unités congelées à conserver pour chaque groupe sanguin rare. Le programme gagne ainsi en efficacité et pourrait même faire des économies, puisque la conservation de sang congelé est plus coûteuse que celle du sang frais. Étonnamment, cette étude estime que la façon la plus sûre d’assurer au mieux l’approvisionnement de sang rare consiste à analyser le sang d’une proportion bien plus élevée de donneurs de la Société canadienne du sang. Cette dernière étudie de nouvelles technologies, comme le séquençage de nouvelle génération, qui permettraient d’analyser le sang de bien plus de donneurs afin de repérer ceux qui ont un sang rare et de continuer à répondre aux besoins des patients.
À propos de l’équipe de recherche
Gwen Clarke est une directrice médicale associée de la Société canadienne du sang et une professeure clinicienne au Département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l'Alberta. John Blake est un professeur associé au Département d’ingénierie industrielle de l’Université de Dalhousie et un ingénieur d’études à la Société canadienne du sang.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Blake JT, Clarke G: Modeling rare blood in Canada. Transfusion 2019; 59:582-592.doi: 10.1111/trf.15027
Remerciements : Cette étude a bénéficié du financement partiel de la Société canadienne du sang, elle-même financée par les ministères de la Santé fédéral (Santé Canada), provinciaux et territoriaux. Les idées exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada, ou des gouvernements provinciaux ou territoriaux. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang qui ont rendu cette étude possible.
Mots-clés : groupe sanguin, sang rare, globules rouges, simulation.
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec le Dr John Blake à john.blake@blood.ca ou la Dre Gwen Clarke à gwen.clarke@blood.ca.
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Le bulletin Concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang. Le contenu est accessible en ligne sur sang.ca