Protégeons notre source de vie : la carence en fer chez les donneurs de sang canadiens
En bref ...
La carence en fer est courante chez les donneurs de sang total – en particulier chez les femmes et les donneurs fréquents.
Souvent, le risque de carence en fer associé au don de sang n’est reconnu ni par les donneurs ni par leur médecin.
C’est dans les aliments que nous ingérons que nous le puisons. Par conséquent, une alimentation pauvre en fer entraînera une diminution des réserves de ce minéral et, au fil du temps, du taux d’hémoglobine. Une perte de sang peut aussi avoir un tel effet. On ne connaît pas encore tout à fait les effets néfastes pour la santé d’une carence en fer sans anémie, mais il semblerait que la baisse du niveau d’énergie en fasse partie. L’anémie ferriprive survient lorsque les réserves de fer et le taux d’hémoglobine atteignent un niveau très bas. Elle peut influer sur la santé, causant notamment de la fatigue et d’autres symptômes.
La Société canadienne du sang mesure le taux d’hémoglobine de chaque donneur, mais elle ne vérifie généralement pas les réserves de fer. Or ces réserves peuvent être précaires, en particulier chez les femmes en âge de procréer. Craignant que les donneurs fréquents de sang total finissent par souffrir d’une carence en fer et que ce risque ne soit pas reconnu par les donneurs ou par leur médecin, les chercheurs ont examiné les taux d’hémoglobine et les réserves de fer, afin de déterminer l’incidence d’une carence en fer chez les donneurs. Ils ont également étudié les attitudes des donneurs à l’égard de la gestion et du maintien de leur taux de fer.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont invité des donneurs de la région d’Ottawa à participer à l’étude. En tout, ils ont recruté :
- 550 donneurs dont le taux d’hémoglobine était suffisamment élevé pour pouvoir donner du sang (supérieur à 125 g/l)
- 50 donneurs dont le taux d’hémoglobine était trop bas pour pouvoir en donner (inférieur à 125 g/l)
Les chercheurs ont d’abord estimé les réserves de fer des donneurs en mesurant leur taux de ferritine. Contrairement à l’hémoglobine, la ferritine n’est pas mesurée avant un don de sang. Puis, ils ont interviewé les donneurs à propos du don de sang et de leur santé. Après environ deux semaines, les résultats des tests de ferritine ont été envoyés aux donneurs par courrier. Ceux dont le taux de ferritine était faible (inférieur à 25 µg/l) ont été avisés de voir leur médecin pour un suivi. Approximativement deux mois plus tard, on a envoyé un questionnaire de suivi aux donneurs par courriel dans lequel on leur demandait s’ils avaient vu leur médecin et s’ils avaient commencé à prendre des suppléments de fer.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
Les donneurs qui ont participé à l’étude étaient âgés de 17 à 70 ans. Certains avaient déjà fait un don, mais d’autres étaient de nouveaux donneurs. La majorité d’entre eux avaient un médecin traitant et se soumettaient régulièrement à un examen de santé. La plupart ne s’étaient pas entretenus du don de sang avec leur médecin et ignoraient que le don de sang pouvait avoir un effet négatif sur la santé.
Résultats des tests de ferritine
- Chez les femmes, plus du tiers des nouvelles donneuses et environ deux tiers des donneuses régulières présentaient des réserves de fer basses ou nulles.
- Chez les hommes, les réserves de fer étaient basses pour plus du tiers des donneurs réguliers tandis que pour les nouveaux donneurs, elles étaient rarement faibles
- Presque tous les donneurs exclus en raison d’un faible taux d’hémoglobine étaient des femmes et près de 90 % présentaient des réserves de fer basses ou nulles.
- Un certain lien peut être établi entre le taux d’hémoglobine et le taux de ferritine : les donneurs dont le taux d’hémoglobine était insuffisant ou juste au-dessus de la limite acceptable affichaient un taux de ferritine plus faible que ceux ayant un taux d’hémoglobine nettement supérieur à la limite acceptable (130 g/l ou plus).
Résultats du questionnaire de suivi
- Des 295 donneurs qui présentaient un faible taux de ferritine, 164 ont répondu au questionnaire de suivi.
- 98 donneurs affichant un faible taux de ferritine avaient consulté un médecin : 50 % d’entre eux avaient commencé à prendre des suppléments de fer et 10 % des multivitamines contenant du fer; 21 % avaient reçu comme consigne de cesser de donner du sang.
- 17 donneurs ayant un faible taux de ferritine ont indiqué avoir pris rendez-vous avec leur médecin.
- 49 donneurs ont dit qu’ils n’avaient pas l’intention de voir un médecin ni de commencer à prendre des suppléments de fer.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Les donneurs de sang donnent la vie sans rien attendre en retour. La Société canadienne du sang leur doit de réduire au minimum les effets négatifs sur leur santé. Au Canada, nos donneurs réguliers font don de 90 % du sang que nous recevons. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers ces personnes qui reviennent sans cesse donner du sang généreusement. La présente étude a permis de constater qu’une proportion importante des donneurs de sang total a une carence en fer et que cette carence est fortement liée au sexe du donneur et à la fréquence des dons. Elle a aussi révélé que beaucoup de donneurs affichant des réserves de fer basses n’ont pas consulté leur médecin traitant comme on le leur avait conseillé, et que les donneurs qui l’ont fait n’ont pas nécessairement commencé à prendre des suppléments de fer.
L’étude a aussi démontré que le taux d’hémoglobine minimal de 125 g/l fixé pour le don de sang total est tout juste assez élevé pour les femmes donneuses et qu’il ne devrait pas être abaissé. Dans le passé, lorsqu’un donneur n’affichait pas le taux minimal acceptable, on pouvait parfois le tester de nouveau. L’étude a révélé que lorsqu’un donneur affiche un taux inférieur à la limite fixée au premier test et un taux acceptable au second test, cela signifie qu’il a fort probablement une carence en fer. Afin de protéger ces donneurs, le double test est moins souvent pratiqué. Concernant les carences en fer, il importe de sensibiliser non seulement les donneurs, mais aussi leur médecin.
Ainsi, nous avons ajouté de l’information sur le fer et la carence en fer dans le feuillet d’information à l’intention des donneurs. Nous avons également amélioré le feuillet d’information remis aux donneurs qui ont un faible taux d’hémoglobine pour qu’ils l’apportent à leur médecin. Enfin, la Société canadienne du sang étudie actuellement deux possibilités : mesurer systématiquement le taux de ferritine chez les donneurs vulnérables afin de mieux protéger ces donneurs et prolonger la période d’attente minimale entre deux dons pour les jeunes femmes.
À propos de l’équipe de recherche
Mindy Goldman est directrice médicale à la Société canadienne du sang et professeure auxiliaire au Département de pathologie et médecine de laboratoire de l’Université d’Ottawa. Samra Uzicanin est coordonnatrice des études de recherches au sein du groupe d’épidémiologie et de surveillance de la Société canadienne du sang à Ottawa. Vito Scalia est directeur associé du laboratoire central de la Société canadienne du sang à Ottawa. Sheila F. O’Brien est directrice associée du groupe d’épidémiologie et de surveillance de la Société canadienne du sang et professeure auxiliaire au Département d’épidémiologie et de médecine sociale de l’Université d’Ottawa.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Goldman M, Uzicanin S, Scalia V and O’Brien SF: Iron deficiency in Canadian blood donors. Transfusion (2014); 54:775-779
Remerciements : La réalisation de cette étude a été rendue possible grâce à une subvention de la Société canadienne du sang, financé par les gouvernements provinciaux et territoriaux. La Société canadienne du sang remercie tous les généreux donneurs de sang qui ont permis de mener cette étude.
Mots clés : fer, hémoglobine, ferritine, déficience, anémie, sang total, donneur, éducation
Pour en savoir plus? Communiquez avec Mindy Goldman, par courriel, à mindy.goldman@blood.ca.
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.