Où l’on optimise un test de laboratoire pour déterminer la compatibilité entre donneurs et receveurs
En bref ...
Des cellules éliminées pendant la fabrication des concentrés plaquettaires optimisent l’efficacité d’un test permettant de trouver du sang pour les patients hyperimmunisés.
Le test MMA (monocyte monolayer assay) a été mis au point par le Dr Donald Branch, chercheur au sein de la Société canadienne du sang. Ce test prédit la signification clinique des anticorps d’un patient – c’est-à-dire la probabilité que les anticorps du patient provoquent la destruction des globules rouges transfusés, engendrant ainsi une grave réaction transfusionnelle. Pour ce faire, on utilise les monocytes, des leucocytes immunitaires issus de cellules mononucléées du sang, que l’on isole du sang total immédiatement avant le test. Ces cellules sanguines peuvent provenir du patient (monocytes « autologues ») ou d’une autre personne (monocytes « allogéniques »). À noter toutefois que l’obtention de monocytes pour le test peut être difficile d’un point de vue logistique, et d’une efficacité limitée.
Dans la présente étude, les chercheurs se sont intéressés à une autre source de monocytes : les cellules mononucléées du sang provenant des « couches leucoplaquettaires ». Ces dernières sont produites à partir des dons de sang total pendant la fabrication des concentrés plaquettaires. Les couches leucoplaquettaires de plusieurs donneurs compatibles sont mélangées et les plaquettes sont isolées pour créer un concentré plaquettaire qui sera transfusé. Cependant, les couches leucoplaquettaires ne sont pas toutes compatibles et ne peuvent pas toutes être mélangées pour la production de plaquettes. En général, celles qui ne sont pas utilisées sont éliminées. Or, ces couches sont très riches en monocytes et autres leucocytes. C’est pourquoi les chercheurs étudient la possibilité d’utiliser les monocytes isolés à partir des couches leucoplaquettaires pour le test MMA.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Pour réaliser le test MMA, les monocytes sont disposés en une seule couche (monocouche) sur une lamelle. On mélange des globules rouges à des anticorps du patient, puis on ajoute le tout aux monocytes. Pour finir, on détermine, à l’aide d’un microscope, le nombre de monocytes qui se sont liés à un ou plusieurs globules rouges, ou qui en ont ingéré (« phagocytose »). Ce nombre indique si les anticorps du patient ont réagi au contact des globules rouges, et donc si le patient aura une réaction transfusionnelle grave.
Les chercheurs ont mis au point une technique de congélation (cryoconservation) qui permet de conserver et de stocker des cellules mononucléées du sang issues des couches leucoplaquettaires à des températures extrêmement faibles, et ce, pendant des années ou des décennies, sans perte considérable de leurs fonctions cellulaires. Les chercheurs ont comparé trois sources de monocytes :
- des monocytes isolés après la congélation de cellules provenant de mélanges de couches leucoplaquettaires;
- des monocytes frais isolés provenant de mélanges de couches leucoplaquettaires;
- des monocytes frais isolés provenant de mélanges de sang fraîchement prélevé.
Ils se sont penchés sur deux caractéristiques importantes de la fonction monocytaire : l’aptitude à phagocyter des cellules lors du test MMA; et l’aptitude à sécréter des substances, appelées « cytokines », qui peuvent réguler la réponse immunitaire. Ils ont étudié la fonction des monocytes congelés lorsqu’ils sont mis au contact de globules rouges qui avaient préalablement été exposés à trois anticorps différents impliqués dans des réactions immunitaires d’origine transfusionnelle.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Après la congélation, la décongélation et le lavage, le pourcentage de monocytes extraits des couches leucoplaquettaires était semblable à celui des monocytes extraits des couches leucoplaquettaires fraîches et du sang frais. Cependant, seuls 95 % des cellules isolées des couches leucoplaquettaires présentaient des membranes intactes, contre 100 % pour les autres sources.
- Aucune différence notable n’a été constatée entre la capacité phagocytaire des monocytes congelés pendant trois semaines et celle des monocytes congelés pendant plus de six mois.
- Aucune différence notable n’a été constatée quant à la capacité phagocytaire des monocytes provenant des trois sources.
- Les niveaux de sécrétion de cytokines étaient très différents entre les monocytes frais et congelés.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Que cela soit en milieu hospitalier ou dans les laboratoires de recherche, l’efficacité du test MMA est limitée par des restrictions pratiques, comme le besoin de sang frais et le travail requis pour l’isolation des monocytes. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que les monocytes pouvaient être isolés à partir de couches leucoplaquettaires, et que leur capacité phagocytaire n’était pas affectée s’ils étaient correctement congelés. L’utilisation de monocytes congelés extraits des couches leucoplaquettaires rend ce test plus efficace pour la recherche d’anticorps ayant une signification clinique, tout en tirant parti de constituants leucoplaquettaires actuellement inutilisés. Cette méthode présente également l’avantage de réduire la durée et la variabilité du test, puisque les monocytes proviennent de mélanges de couches leucoplaquettaires, ce qui augmente la constance des résultats et normalise les conditions expérimentales.
Les anticorps de signification clinique sont fréquemment associés aux réactions immunitaires graves, comme les réactions hémolytiques transfusionnelles. Pour les patients d’un groupe sanguin rare, il peut être difficile de trouver des produits du sang compatibles permettant de prévenir ces réactions dangereuses. Le recours à des monocytes congelés extraits de couches leucoplaquettaires pourrait élargir la mise en œuvre de ce test par les fournisseurs de sang, ainsi que par les laboratoires de recherche et des hôpitaux. Par exemple, la Société canadienne du sang travaille actuellement à la mise en œuvre du test MMA dans son laboratoire de services diagnostics à l’aide de tels monocytes. La sécurité des patients s’en trouvera améliorée, puisqu’il sera plus facile de déterminer les globules rouges compatibles pouvant être transfusés sans risque aux patients hyperimmunisés dont le groupe sanguin est rare.
À propos de l’équipe de recherche
L’étude a été menée par Jelena Holovati, chercheuse associée à la Société canadienne du sang, directrice de laboratoire du programme de fabrication de cellules souches d’Edmonton, et professeure associée au département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l’Alberta, à Edmonton. Auteure pour la première fois, Betty Kipkeu est étudiante en maîtrise ès sciences à l’Université de l’Alberta, à Edmonton. Son travail sur ce projet a été financé par une subvention de la Société canadienne du sang pour la recherche intramuros. L’étude a été menée avec la participation des chercheurs de la Société canadienne du sang Jason Acker, également professeur au département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l’Alberta, et Donald Branch, professeur au département de médecine de l’Université de Toronto, en Ontario.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Kipkeu BJ, Shyian ML, , et al.: Evaluation of the functional properties of cryopreserved buffy coat-derived monocytes for monocyte monolayer assay. Transfusion 2018; doi:10.1111/trf.14650.
Remerciements : Ces travaux ont été financés par le Programme de subventions pour la recherche intramuros de la Société canadienne du sang, financé par le gouvernement fédéral (Santé Canada) et les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé. L. da Silveira Cavalcante a bénéficié d’une bourse de recherche doctorale de la Société canadienne du sang. Les idées exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada. La Société canadienne du sang tient à remercier tous les donneurs de sang qui ont permis de mener cette étude.
Mots-clés : globules rouges, transfusion, allo-immunisation, laboratoire, groupe sanguin rare
Vous voulez en savoir plus? Contactez Jelena Holovati, par courriel, à jelena.holovati@ualberta.ca.