Mais où va le sang? Analysons la consommation des concentrés de globules rouges pour l’établissement des politiques
En bref ...
La consommation globale de concentrés de globules rouges diminue. Cependant, la consommation de produits du groupe O augmente, en particulier pour les receveurs n’appartenant pas à ce groupe.
Les fournisseurs de soins de santé ont mis en œuvre des stratégies de gestion des transfusions afin de réduire le recours à la transfusion tout en optimisant les soins aux patients. Ces stratégies comprennent les traitements préventifs, qui peuvent réduire le nombre de transfusions nécessaires, et des techniques améliorées, qui permettent de réduire la perte de sang et de récupérer le sang perdu pendant les opérations chirurgicales. La gestion des transfusions, ainsi que d’autres initiatives visant à améliorer la pratique transfusionnelle, et la gestion des réserves de produits sanguins permettent de fournir de meilleurs soins aux patients tout en réduisant les coûts pour les systèmes d’approvisionnement en sang. Toutefois, certaines stratégies de gestion des réserves rendent plus complexe la prévision de la demande, ce qui peut entraîner une pénurie de produits sanguins du groupe O notamment.
Les chercheurs étudient la distribution et la consommation des CGR afin de fournir aux fournisseurs de sang et aux hôpitaux les données probantes dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées concernant la gestion de leurs réserves et la pratique transfusionnelle. En fin de compte, cela permettra à tous les patients de recevoir, en tout temps, les produits sanguins dont ils ont besoin.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Dans une étude appelée Trends for Collection (TFC), les chercheurs se sont penchés sur la distribution de CGR par les centres d’approvisionnement sanguin aux hôpitaux pendant cinq exercices (de juillet 2009 à juin 2014). Ils ont regroupé et comparé les données provenant de sept centres d’approvisionnement américains avec celles de huit autres centres, dont deux au Canada. Dans une autre étude appelée Group O Utilization Patterns (GROUP), les chercheurs ont recueilli des données auprès d’hôpitaux dans onze pays afin de comprendre leur consommation globale du sang du groupe O. Enfin, dans une troisième étude, des chercheurs canadiens ont examiné la consommation des CGR du groupe O dans trois hôpitaux afin d’en dégager les tendances d’utilisation. Pour chaque transfusion, les chercheurs ont consulté la base de données de l’hôpital afin de connaître le groupe sanguin du donneur et du receveur, et la cause médicale de la transfusion, et aussi afin de déterminer si le receveur avait d’autres anticorps érythrocytaires nécessitant la transfusion de CGR beaucoup plus compatibles, dits « phénotypés ». En cas de transfusion de CGR du groupe O à des receveurs des groupes A, B ou AB, les chercheurs ont utilisé un algorithme pour déterminer la raison de la transfusion de CGR du groupe O.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- L’étude TFC a révélé une constante diminution du nombre d’unités de CGR distribuées pendant les cinq années, et ce, dans les deux groupes (baisse de 16,9 % dans les centres américains et de 8 % ailleurs). Toutefois, elle a également révélé une augmentation de 9,3 % de la proportion d’unités du groupe O négatif distribuées dans les banques de sang américaines et de 10,5 % ailleurs.
- L’étude GROUP a révélé qu’un pourcentage élevé de produits sanguins O négatif sont transfusés à des patients qui ne sont pas O négatifs. Fait intéressant, ce pourcentage varie d’un hôpital à l’autre.
- L’étude canadienne a montré que la proportion d’unités de CGR du groupe O transfusées à des receveurs d’un autre groupe était passée de 7,8 % en 2002-2007 à 11,1 % en 2011-2013. Les raisons les plus fréquentes de ces transfusions étaient les suivantes : transfusions à des patients ayant besoin de sang phénotypé (28 %), pénurie de produits du même groupe sanguin que celui du patient dans les hôpitaux (26 %), ainsi que transfusions à des nouveau-nés (23 %) ou à des patients en traumatologie (10 %). Cette hausse récente est attribuable à une plus grande utilisation de ce sang en traumatologie et à la gestion des réserves (pénurie, dans les hôpitaux, de produits des autres groupes sanguins et utilisation prioritaire d’unités plus vieilles pour éviter le gaspillage).
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Les fournisseurs et les banques de sang devront surveiller l’évolution de la consommation des CGR afin de pouvoir prédire avec exactitude la consommation future et maintenir des réserves suffisantes. Avec la diminution globale de la distribution de CGR mise en évidence dans l’étude TFC, on pourrait penser que les fournisseurs de sang peuvent réduire leurs objectifs de recrutement de donneurs, mais la proportion accrue de produits sanguins du groupe O négatif utilisés rend la gestion des réserves plus complexe. Une attention particulière devra être accordée au groupe sanguin des CGR distribués afin de gérer les réserves tout en maintenant les coûts à un minimum. En outre, comme les raisons à l’origine du changement dans la consommation des CGR sont multiples (changement dans la gestion des réserves dans les hôpitaux, dans la pratique transfusionnelle et dans les populations de patients), les fournisseurs de sang devront surveiller de près l’évolution des tendances afin de toujours avoir en réserve suffisamment de CGR pour faire face aux fluctuations de la demande.
On peut également remettre en cause les lignes directrices cliniques et les bonnes pratiques qui visent à optimiser la consommation des CGR du groupe O. D’après l’étude GROUP, un pourcentage élevé de produits O négatif sont transfusés à des patients d’un autre groupe. Il est intéressant de noter que ce pourcentage varie d’un site à l’autre, ce qui donne à penser que les hôpitaux qui consomment davantage de sang O négatif peuvent être en mesure de modifier leur politique et de réduire leur consommation non essentielle de cette précieuse ressource.
L’étude canadienne apporte quelques réponses concernant l’augmentation de la consommation des produits du groupe O. Dans les trois hôpitaux examinés, la transfusion de produits sanguins du groupe O à des patients d’un autre groupe a augmenté au cours des dernières années, principalement en raison de la hausse du nombre de transfusions en traumatologie et des problèmes locaux liés aux réserves. En ce qui concerne les trois quarts des produits sanguins du groupe O transfusés à des patients d’un autre groupe, il s’agissait de patients présentant des anticorps, de nouveau-nés ou encore de patients pour lesquels l’hôpital n’avait pas de produit compatible avec leur groupe sanguin. Ainsi, il est possible pour les hôpitaux qui utilisent systématiquement du sang du groupe O pour les nouveau-nés et les patients qui présentent des anticorps de réduire le risque de pénurie de produits du groupe O en changeant leur politique, sans pour autant nuire à la sécurité des transfusions. En outre, les fournisseurs de sang doivent s’assurer de phénotyper un large éventail d’unités de chaque groupe sanguin de manière à répondre à la demande des hôpitaux.
Des études récentes ont indiqué que les résultats des traitements pourraient être meilleurs si les patients recevaient des produits de leur propre groupe sanguin. En transfusant moins de produits sanguins du groupe O aux patients des autres groupes, on pourrait améliorer non seulement la gestion des réserves mais aussi la santé des patients.
À propos de l’équipe de recherche
L’étude TFC a été réalisée par Biomedical Excellence for Safer Transfusions (BEST) Collaborative, dont fait partie Dana Devine, chef des Affaires médicales et scientifiques à la Société canadienne du sang et professeure au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de Colombie-Britannique. L’auteure en chef de l’étude canadienne, Nancy Heddle, est professeure émérite au département de médecine de l’Université McMaster, directrice de la recherche au McMaster Centre for Transfusion Research et chercheuse associée à la Société canadienne du sang. L’auteure principale, R. Barty, est une étudiante de cycle supérieur travaillant avec Mme Heddle. Les autres auteurs sont le Dr M. Pai, Y. Liu, le Dr D. Arnold, R. Cook et la Dre Michelle Zeller, directrice médicale à la Société canadienne du sang.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Yazer, M.H. et coll., au nom de BEST Collaborative. « Changes in blood center red blood cell distributions in the era of patient blood management: The trends for collection (TFC) study », Transfusion, vol. 56, 2016, p. 1965-1973.
[2] Barty, R.L. et coll. « Group O RBCs: Where is universal donor blood being used », Vox Sang, 2017.
[3] Zeller, M.P. et coll. « An international investigation into O red blood cell unit administration in hospitals: the Group O Utilization Patterns (GROUP) study », Transfusion, vol. 57, 2017, p. 2329-2337.
Remerciements : Ces projets de recherche ont reçu une aide financière directe et indirecte du Centre d’innovation de la Société canadienne du sang, lui-même financé par le gouvernement fédéral (Santé Canada) et les ministères de la Santé provinciaux et territoriaux. Les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang et les patients qui ont permis de mener cette recherche.
Mots clés : concentré de globules rouges, gestion des transfusions, gestion des réserves de sang, groupe ABO, groupe O, distribution, utilisation, consommation
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec la Dre Michelle Zeller, à Michelle.Zeller@blood.ca, ou Dana Devine, à Dana.Devine@blood.ca.
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang