La sécrétion de cellules immunitaires peut protéger les patients contre le syndrome respiratoire post-transfusionnel
En bref ...
La déplétion de cellules T régulatrices et de cellules dendritiques déclenche le TRALI chez les souris en cas de stimulation par des anticorps, et un traitement à l’IL-10 assure une protection contre les lésions pulmonaires.
Les causes du TRALI demeurent méconnues. Toutefois, des chercheurs estiment que les anticorps HLA (antigènes leucocytaires humains) du donneur sont souvent en cause. Afin de comprendre pourquoi cette réaction se produit chez certains patients, ils ont proposé un modèle à deux « facteurs » selon lequel deux conditions doivent être réunies avant que le TRALI puisse se manifester : le produit sanguin transfusé doit contenir des anticorps problématiques et le receveur doit présenter des facteurs de risque prédisposants. Les chercheurs ont relevé plusieurs facteurs de risque, notamment l’inflammation, la consommation d’alcool chronique et le tabagisme. Toutefois, les mécanismes précis du TRALI n’ont pas encore été élucidés.
Des chercheurs financés par la Société canadienne du sang à l’Hôpital St. Michael de Toronto ont récemment aidé à expliquer comment le TRALI se manifeste. Ils ont utilisé des modèles-souris du TRALI pour examiner l’importance de différents types de cellules immunitaires, en particulier les cellules dendritiques et les cellules T régulatrices. Les cellules T régulatrices permettent d’éviter les problèmes auto-immuns en supprimant les réactions immunitaires contre les cellules de son propre corps. Les cellules dendritiques guident le système immunitaire pour qu’il réponde adéquatement aux éléments qui déclenchent les mécanismes de défense de l’organisme.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Pour déterminer quelles cellules immunitaires jouent le plus grand rôle dans le TRALI, les chercheurs ont réduit la quantité de différents types de cellules immunitaires chez les souris, puis injecté des anticorps semblables à ceux souvent en cause dans le TRALI chez l’humain. Ils ont aussi examiné le rôle d’une molécule anti-inflammatoire sécrétée par des cellules immunitaires, soit l’interleukine 10 (IL-10). Plus précisément, les chercheurs se sont penchés sur le développement du TRALI chez les souris après un traitement à l’IL-10 ou la délétion du gène IL-10.
Les chercheurs ont mesuré la température corporelle (indication d’un choc systémique) toutes les 30 minutes. Quatre-vingt-dix minutes après l’injection des anticorps, ils ont euthanasié les souris pour examiner leurs poumons et mesurer les biomarqueurs de leur fonction pulmonaire. Les signes du TRALI étaient entre autres une baisse de la température corporelle, un ratio plus élevé entre le poids sec et le poids humide des poumons (ce qui témoigne d’une accumulation de fluide), des lésions pulmonaires visibles (par exemple, collapsus ou hémorragie) et des problèmes respiratoires.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Les souris appauvries en cellules T régulatrices ou en cellules dendritiques – mais non celles appauvries en d’autres types de cellules immunitaires – ont présenté les signes du TRALI, y compris l’accumulation de fluide et des lésions visibles dans les poumons, après l’injection d’anticorps induisant le TRALI.
- Les souris atteintes du TRALI avaient un niveau réduit d’IL-10 et celles dont le gène IL-10 avait été supprimé ont présenté ce syndrome après l’injection d’anticorps induisant le TRALI (sans déplétion des cellules immunitaires).
- Un traitement à l’IL-10 quinze minutes après l’apparition du TRALI a inversé les symptômes respiratoires causés par la déplétion des cellules immunitaires et l’injection d’anticorps induisant le TRALI.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Les chercheurs ont montré que le TRALI peut être induit par la déplétion des cellules dendritiques ou des cellules T régulatrices chez les souris suivie de l’injection d’anticorps propres aux antigènes de classe I du complexe majeur d’histocompatibilité de la souris (équivalant aux antigènes HLA humains). Ces résultats corroborent le modèle à deux « facteurs » du développement du TRALI et livrent de l’information supplémentaire sur l’origine de la réaction. En réponse à l’élément déclencheur d’une réaction immunitaire comme les anticorps utilisés dans cette étude, l’IL-10 est sécrétée par des cellules immunitaires spécifiques (cellules T régulatrices et cellules dendritiques). Cette augmentation de l’IL-10 est nécessaire pour prévenir les effets nocifs des anticorps problématiques de donneurs dans le produit sanguin transfusé.
Ces résultats permettent de comprendre les facteurs de risque connus du TRALI. Par exemple, le sang des patients souffrant d’hépatite alcoolique contient peu de cellules T régulatrices, ce qui pourrait être associé à un risque accru de TRALI. Les nouvelles connaissances sur les mécanismes du TRALI générées par cette étude peuvent également être utilisées pour repérer les patients susceptibles d’avoir ce syndrome.
Les modèles-souris élaborés dans cette étude reproduisent assez fidèlement les réactions de TRALI chez les humains; les similitudes sont, entre autres, une apparition rapide du fluide dans les poumons (œdème pulmonaire), une réduction du nombre de plaquettes et un taux de mortalité élevé. Ces systèmes de modèles améliorés seront fort utiles pour les études à venir sur les causes du TRALI et les essais portant sur d’éventuelles nouvelles thérapies.
Qui plus est, cette étude a déterminé que l’IL-10 constitue un facteur de protection important et une nouvelle thérapie éventuelle pour les patients atteints du TRALI. Le prétraitement des souris à l’IL-10 a empêché l’apparition du TRALI et l’injection d’IL-10 quinze minutes après son apparition a mis fin aux symptômes respiratoires. D’autres études ont montré que l’IL-10 offre une protection contre d’autres types de lésions pulmonaires chez les souris, mais cette étude est la première à faire ressortir l’importance de l’IL-10 chez les modèles-souris du TRALI. Si l’on pouvait reproduire ces résultats dans les essais cliniques chez des humains, il serait possible de mettre au point de nouvelles thérapies reposant sur l’IL-10 afin d’aider à réduire les souffrances et à sauver plus de patients – voire à prévenir entièrement l’apparition du TRALI.
À propos de l’équipe de recherche
L’auteur principal, John Semple, est professeur à l’Université de Toronto et chercheur principal au Centre de recherche en sciences biomédicales Keenan de l’Hôpital St. Michael. Le Dr Wolfgang Kuebler est professeur à l’Université de Toronto et chercheur associé au même centre.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Kapur R., M. Kim, R. Aslam, M.J. McVey, A. Tabuchi, A. Luo, J. Liu, Y. Li, S. Shanmugabhavananthan, E.R. Speck, A. Zufferey, G. Yousef, H. Zhang, M.T. Rondina, A.S. Weyrich, L. Porcelijn, W.M. Kuebler, A.S. Slutsky et J.W. Semple. « T Regulatory Cells and Dendritic Cells Protect against Transfusion-Related Acute Lung Injury Via IL-10 », Blood, vol. 129, 2017, pp. 2557-2569.
Remerciements : L’équipe de recherche a reçu une subvention des National Institutes of Health et une aide financière de la Société canadienne du sang (subvention de fonctionnement de la Société canadienne du sang et des IRSC à J.S., bourse de recherche postdoctorale à R.K., bourse de recherche doctorale à M.M. et bourse de recherche d’été à S.S.) et un financement du gouvernement fédéral (Santé Canada) et des ministères de la Santé provinciaux et territoriaux. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celle des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada.
Mots-clés : syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel, cellules dendritiques, cellules T régulatrices, interleukine 10 (IL-10), modèle-souris
Vous voulez en savoir plus? Veuillez communiquer avec John Semple à SempleJ@smh.ca