La présence de résidus de plasma favorise l’adhérence des bactéries à la paroi des poches utilisées pour les concentrés de plaquettes
En bref ...
Le type de poche utilisé pour l’entreposage des concentrés de plaquettes n’a aucune influence sur l’adhérence des bactéries, laquelle est en revanche favorisée par la présence de résidus de plasma.
La Société canadienne du sang utilise deux méthodes pour fabriquer les concentrés de plaquettes : le don par aphérèse et le mélange de plaquettes. Dans la première, les plaquettes d’un donneur sont recueillies et mises en suspension dans le plasma de ce même donneur. Dans la seconde, on mélange les plaquettes de quatre donneurs et le plasma de l’un d’entre eux pour constituer une unité de plaquettes mélangées. La paroi interne des poches utilisées dans chaque méthode présente des textures différentes. Une meilleure compréhension de la formation du biofilm de S. epidermidis nous permettrait d’obtenir des produits de meilleure qualité et plus sûrs pour les patients.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Pour déterminer les facteurs qui favorisent l’adhérence de S. epidermidis à la paroi interne des poches de concentrés de plaquettes, les chercheurs ont étudié la formation du biofilm bactérien dans les deux types de poches, qui contenaient chacun des résidus de plaquettes ou de plasma. Pour recouvrir la paroi des poches à l’étude avec du concentré de plaquettes, ils ont prélevé du produit d’une unité de plaquettes fraîchement recueillies par aphérèse et d’une unité de plaquettes mélangées. Ils ont ensuite rempli une poche d’aphérèse et une poche de mélange de plaquettes, toutes deux stériles, avec ces produits qu’ils ont laissé incuber 24 heures avec agitation et à température ambiante. Une fois le délai passé, ils ont vidé les poches tout en y laissant des résidus de plasma.
Ils ont ensuite rempli les poches avec un milieu de culture qui favorise la croissance bactérienne ainsi qu’avec une petite quantité de bactéries. Ils ont laissé incuber les poches pendant sept jours avec agitation et à température ambiante afin de permettre aux bactéries de proliférer. Le septième jour, ils ont vidé le milieu de culture et décollé les bactéries fixées à la paroi des poches en utilisant des ondes acoustiques à haut niveau énergétique. Pour mesurer la quantité de bactéries recueillies, ils les ont placées dans des boîtes de Pétri pour leur permettre de croître et compter le nombre de colonies présentes. Ils ont également confirmé l’adhérence des bactéries à la paroi interne des poches à l’aide de microscopes très puissants (microscopie électronique à balayage).
Pour savoir si le fibrinogène, une protéine plasmatique qui a la propriété d’interagir avec plusieurs types de bactéries pathogènes, favorise l’adhérence de S. epidermidis aux poches, les chercheurs ont retiré le fibrinogène d’une quantité de plasma à l’aide de l’ancrod, une enzyme que l’on retrouve dans le venin de serpent. Ils ont ensuite recouvert la paroi des deux types de poches utilisées pour les concentrés de plaquettes avec ce plasma dépourvu de fibrinogène, selon le même protocole qu’auparavant, afin d’étudier le comportement des bactéries.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- L’adhérence des bactéries et la formation des biofilms se sont avérées beaucoup plus importantes dans les poches contenant déjà des résidus de plaquettes et de plasma que dans les poches qui n’en contenaient pas.
- En présence de résidus de plaquettes ou de plasma, S. epidermidis peut se fixer aux deux types de poches.
- L’extraction du fibrinogène du plasma n’a eu aucune influence sur la capacité de la bactérie à se fixer aux poches contenant déjà des résidus de plaquettes et de plasma.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Les résultats obtenus indiquent que la présence de résidus de plasma sur la paroi interne des poches favorise l’adhérence de S. epidermidis, et ce, pour les deux types de poches utilisées pour les concentrés de plaquettes. On sait que les protéines plasmatiques peuvent également se fixer au plastique. Il est donc possible que les résidus de plasma présents sur la paroi des poches servent de base à l’adhérence des bactéries, et donc à la formation du biofilm bactérien. Quant à la texture des poches, elle n’a aucune influence sur la formation du biofilm. Ces informations, importantes pour la Société canadienne du sang, nous permettront d’améliorer l’innocuité des concentrés de plaquettes transfusés aux patients.
Les chercheurs ont également souhaité comprendre le rôle du fibrinogène dans l’adhérence des bactéries aux poches. Malheureusement, comme ils n’ont pas pu obtenir d’échantillon de plasma complètement dépourvu de fibrinogène, il se peut que les résidus de fibrinogène aient aidé les bactéries à se fixer. Il est également possible que, dans le contexte de cette étude, d’autres protéines plasmatiques aient contribué à l’adhérence des bactéries. Compte tenu de ces résultats, il faudrait pousser l’investigation avec du sérum humain, lequel est totalement dépourvu de fibrinogène, pour voir s’il y a adhérence des bactéries en l’absence de protéines plasmatiques.
Les charges bactériennes initialement utilisées dans l’étude étaient réalistes. Mais le fait que l’adhérence des bactéries n’ait été mesurée qu’après sept jours d’incubation, lorsque la concentration en bactéries était élevée et que les biofilms s’étaient déjà formés, représente une limite. Étant donné que les bactéries ont adhéré aux deux types de poches testés, il faudrait aussi réévaluer ce phénomène à différents stades de la croissance bactérienne dans un seul type de poche.
En conclusion, l’adhérence des bactéries à la paroi des poches de concentrés de plaquettes compromet l’efficacité des tests de dépistage de routine, et donc l’innocuité du produit, et ce, même si les bactéries sont peu nombreuses. Si l’on veut améliorer l’innocuité des transfusions, il est important de trouver une stratégie qui permette de réduire la quantité de résidus de plasma dans les poches et d’en faire un sujet de recherche d’intérêt. Il faudrait également mettre au point des technologies qui réduisent l’adhérence des bactéries aux poches et qui s’attaquent donc à la source de l’infection bactérienne.
L’adhérence des bactéries à la paroi des deux types de poches utilisées pour les concentrés de plaquettes est confirmée. Les flèches rouges indiquent une bactérie S. epidermidis.
À propos de l’équipe de recherche
L’auteure principale, Sandra Ramirez-Arcos, est chercheure en développement au sein du groupe chargé du développement de produits et de procédés du Centre d’innovation de la Société canadienne du sang. Elle est également professeure associée à l’Université d’Ottawa. Maria Loza-Correa est titulaire d’une bourse postdoctorale dans l’équipe de recherche de Mme Samirez-Arcos. Qi-Long Yi est biostatisticien principal à la Société canadienne du sang. Miloslav Kalab, maintenant à la retraite, est un ancien chercheur d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. William Sheffield est directeur adjoint et chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang. Il enseigne également à l’Université McMaster.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Loza-Correa M, Kalab M, Yi Q-L, Eltringham-Smith LJ, Sheffield WP and Ramirez-Arcos S: Comparison of bacterial attachment to platelet bags with and without preconditioning with plasma. Vox Sanguinis 2017. [Diffusion en ligne avant l’impression]
Remerciements : Cette étude a bénéficié du soutien financier de la Société canadienne du sang (programme de développement de produits et de processus et bourse postdoctorale de Mme Loza-Correa), elle-même financée par les ministères de la Santé fédéral (Santé Canada), provinciaux et territoriaux. Les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang qui ont permis de mener cette étude. Ce Concentré de recherche a été préparé par Mme Loza-Correa en collaboration avec le groupe de mobilisation des connaissances.
Mots-clés : concentré de plaquettes, plasma, contamination bactérienne, poche
Vous voulez en savoir plus? Communiquez par courriel avec Sandra Ramirez-Arcos à sandra.ramirez@blood.ca.