Irradiation des globules rouges : un changement s’impose
En bref ...
Les directives canadiennes actuelles sur l’irradiation des unités de concentrés de globules rouges ne sont peut-être pas adéquates pour garantir la transfusion de concentrés de globules rouges de grande qualité. Selon le moment de l’irradiation, ces unités pourraient présenter des niveaux de détérioration supérieurs à ceux qui sont jugés acceptables.
Or, malgré cela, il reste toujours une petite quantité de leucocytes dans l’unité de globules rouges. Les personnes qui présentent un système immunitaire sain ne sont généralement pas à risque, à l’inverse de celles dont le système immunitaire est affaibli (nouveau-nés, très jeunes enfants et personnes immunodéprimées). Les personnes qui reçoivent un don dirigé d’un proche parent sont également à risque. Lorsqu’une personne a besoin d’une transfusion de globules rouges et qu’elle présente un risque élevé de réaction du greffon contre l’hôte, on procède d’abord à l’irradiation des unités de sang : ce procédé endommage les leucocytes résiduels dans l’unité, les empêchant ainsi de provoquer la réaction.
Malheureusement, l’irradiation est une arme à double tranchant puisqu’elle endommage aussi les globules rouges. Des directives ont été mises en place à l’échelle nationale pour optimiser la qualité des concentrés de globules rouges et éliminer le plus grand nombre possible de leucocytes. Selon ces directives, les unités de globules rouges peuvent être entreposées au réfrigérateur jusqu’à 42 jours avant d’être transfusées et elles peuvent être irradiées à n’importe quel moment pendant la période d’entreposage. Une unité doit toutefois être utilisée dans les 28 jours suivant l’irradiation afin de garantir la qualité des globules rouges. L’entreposage des unités de globules rouges ne doit jamais excéder 42 jours. Ainsi, les unités irradiées après 14 jours d’entreposage auront une durée de conservation de moins de 28 jours après l’irradiation. En 2013, la Société canadienne du sang a fourni plus de 57 000 unités de globules rouges irradiées.
Malheureusement, comme aucun contrôle de la qualité des produits sanguins irradiés n’est effectué, il y a peu de données disponibles sur les effets de l’irradiation. Dans l’étude qui nous concerne ici, les chercheurs ont voulu savoir si l’incidence du moment de l’irradiation des globules rouges avait une incidence sur leur détérioration et si les directives actuelles en matière d’irradiation étaient appropriées.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont utilisé un ensemble de 896 unités de globules rouges préparées selon les procédures établies par la Société canadienne du sang et entreposées au réfrigérateur dans une solution d’adénineglucose-mannitol (ou solution SAGM). Les unités ont été divisées en groupes, puis irradiées à différents moments, entre le 8e et le 40e jour d’entreposage. Après l’irradiation, les unités ont été entreposées jusqu’à 28 jours ou jusqu’au 42e jour après leur production, selon la première éventualité, conformément aux directives en matière d’entreposage et d’utilisation de globules rouges irradiés. Après l’irradiation, les chercheurs ont évalué, à différents moments, le niveau de dégradation des globules rouges en mesurant les taux d’hémolyse et de potassium.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Plus les unités de globules rouges sont entreposées longtemps, plus elles se détériorent, comme l’ont démontré les taux élevés d’hémolyse et de potassium. Ce phénomène a pu être constaté avant et après l’irradiation.
- Quarante (4,5 %) des unités de globules rouges examinées présentaient des lésions jugées inacceptables pour une transfusion selon les directives canadiennes.
- En plus de la durée d’entreposage, les chercheurs ont aussi établi un lien entre le sexe et l’âge du donneur et la détérioration des globules rouges.
- Le facteur le plus important permettant de prédire le niveau de détérioration des globules rouges est la durée de leur entreposage après l’irradiation. La détérioration était plus importante lorsque les unités avaient été irradiées dans la quatrième semaine d’entreposage (entre le 21e et le 28e jour) et conservées pendant plus de 14 jours après leur irradiation.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
À ce jour, il s’agit de l’étude la plus importante menée sur le sujet. Les résultats laissent entendre que le moment de l’irradiation influence grandement la qualité des globules rouges. Dans le cas des unités de globules rouges irradiées durant leur quatrième semaine d’entreposage et conservées plus de 14 jours après l’irradiation, le niveau de détérioration des globules rouges pourrait dépasser les niveaux acceptables. L’objectif de la Société canadienne du sang est de fournir des unités de globules rouges sains et de la plus grande qualité. L’irradiation demeure une méthode efficace pour réduire les risques de réaction du greffon contre l’hôte lors d’une transfusion. Toutefois, selon cette étude, il pourrait être nécessaire de réexaminer les directives canadiennes sur le moment auquel les globules rouges doivent être irradiés et la durée de leur entreposage dans une solution d’adénine-glucose-mannitol après irradiation afin d’éviter la transfusion d’unités de globules rouges de mauvaise qualité.
À propos de l’équipe de recherche
Katherine Serrano est chercheuse adjointe au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et professeure clinicienne adjointe au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Deborah Chen est étudiante en doctorat au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Adele Hansen est chef de projet au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et travaille au laboratoire du Dr Jason Acker, à l’Université de l’Alberta. Elena Levin est adjointe de recherche principale au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et enseignante clinique au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Tracey Turner et Jayme Kurach sont adjointes de recherche au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et travaillent au laboratoire du Dr Jason Acker, à l’Université de l’Alberta. Jason Acker est directeur associé au développement et chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang. Il est également professeur agrégé au département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l’Alberta. Dana Devine est chef des Affaires médicales et scientifiques à la Société canadienne du sang et professeure au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Serrano K, Chen D, Hansen AL, Levin E, Turner TR, Kurach JD, Acker JP, Devine DV. The effect of timing of gamma-irradiation on hemolysis and potassium release in leukoreduced red cell concentrates stored in SAGM. Vox Sang 2013; doi: 10.1111/vox.12112
Remerciements : La réalisation de cette étude a été rendue possible grâce à une subvention de la Société canadienne du sang, ellemême financée par les ministères de la Santé des gouvernements provinciaux et territoriaux. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang d’avoir rendu cette recherche possible
Mots clés : globules rouges, irradiation, réaction du greffon contre l’hôte, hémolyse.Red blood cells, irradiation, Transfusion-Associated Graft vs. Host Disease, hemolysis
Pour en savoir plus? Veuillez communiquer avec Katherine Serrano, à katherine.serrano@blood.ca
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.