Exploration de données 2 : lien entre les caractéristiques des donneurs et les résultats des transfusions
En bref ...
Cette étude est la première à suggérer un lien entre l’âge et le sexe du donneur et le résultat de la transfusion.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Cette étude a mis en parallèle de nombreuses données de patients avec celles de donneurs de globules rouges afin de vérifier si l’âge et le sexe du donneur avaient un impact sur le résultat de la transfusion. Ce type d’analyse est rétrospectif parce qu’il concerne des faits qui ont déjà eu lieu. Les chercheurs ont recueilli les données sur les transfusions faites dans quatre hôpitaux de la région d’Ottawa d’octobre 2006 à décembre 2013. Seuls l’âge et le sexe des donneurs, renseignements déclarés par les donneurs au moment du don et obtenus auprès de la Société canadienne du sang, ont été pris en compte : aucune autre donnée sur les donneurs n’a été considérée. En ce qui concerne l’information sur les globules rouges, on a retenu comme donnée la méthode de préparation ainsi que la durée d’entreposage. Pour la durée de survie, les données ont été obtenues auprès des hôpitaux dans le cas des durées courtes et de l’Institut de recherche en services de santé de l’Ontario dans le cas des durées de survie plus longues.
L’étude liait les caractéristiques des donneurs aux résultats des transfusions. En premier lieu, on a analysé la durée de survie des transfusés après leur première transfusion de globules rouges. On a également tenu compte des décès, quelle que soit la cause. L’analyse, complexe, comptait des transfusés qui avaient reçu plusieurs transfusions à divers moments et de plusieurs donneurs, chacun aux caractéristiques sanguines uniques. Dans certains cas, les transfusés avaient reçu d’autres produits sanguins, par exemple des plaquettes ou du plasma. Les patients avaient tous besoin de transfusions, mais les maladies variaient d’un patient à l’autre et certains étaient plus malades que d’autres. On a pris en compte l’âge et le sexe de chaque transfusé ainsi que la comorbidité (autres maladies). L’analyse a comparé le taux de survie de transfusés ayant reçu des globules rouges de donneurs présentant des caractéristiques précises (ex. : donneur = homme vs donneur = femme).
Quelles sont les conclusions de l’étude?
L’étude a réuni les données de 80 755 donneurs et 30 503 receveurs, et porté sur un total de 187 960 transfusions. Les transfusés, qui avaient en moyenne 66,2 ans, ont fait l’objet d’un suivi pendant en moyenne 2,3 ans, et le suivi le plus long s’est étendu sur 7,2 ans.
- On a observé un taux de survie plus faible lorsque les globules rouges provenaient de donneurs jeunes ou de femmes, plus particulièrement dans les cas de transfusions cumulatives.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Cette étude est du type qui pose des hypothèses, c’est-à-dire qu’elle soulève plus de questions qu’elle ne fournit de réponses. Les conclusions montrent qu’il reste beaucoup à découvrir sur le lien entre les donneurs, les produits sanguins et les résultats des transfusions. Ce domaine de recherche est tout nouveau et cette étude est la première à établir une relation entre les caractéristiques des donneurs et les résultats chez les transfusés. Tous les patients de cette étude avaient besoin de transfusions et en ont reçu. L’intention n’était pas de savoir s’il était pire de recevoir une transfusion aux moins bons résultats que de ne pas recevoir de transfusion du tout. Il sera nécessaire de pousser les recherches avant de tirer des conclusions définitives.
Les conclusions sur l’âge des donneurs diffèrent des résultats des études préliminaires sur des animaux, lesquelles suggèrent que le sang de donneurs jeunes serait plus bénéfique que nocif. Les conclusions de la présente étude vont dans le sens de la pratique actuelle concernant les donneurs âgés; il n’y a pas d’âge limite au Canada pour donner du sang. Au cours des dernières années, on a cessé d’utiliser du plasma féminin pour les transfusions parce qu’il augmentait le risque de syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel, une réaction à la transfusion potentiellement mortelle. Il y a cependant peu de plasma dans les unités de globules rouges, donc il est peu probable que l’effet observé dans cette étude soit le résultat du même phénomène. D’autres études seront nécessaires pour comprendre les fondements biologiques des associations établies dans le cadre de la présente recherche.
L’étape suivante consistera à obtenir une confirmation indépendante des résultats, de préférence à partir d’études cliniques aléatoires et contrôlées. L’étude portait sur un grand nombre de donneurs et de receveurs, mais était concentrée dans une seule région géographique. Il serait utile de répéter l’exercice ailleurs pour voir si les conclusions sont généralisées. Si l’on obtient une confirmation indépendante des résultats basée sur des évaluations rigoureuses, c’est une nouvelle porte qui s’ouvrira pour la recherche transfusionnelle. Une éventuelle confirmation indépendante combinée à une meilleure compréhension des effets observés dans cette étude aidera à définir les prochaines étapes.
À propos de l’équipe de recherche
L’équipe a été dirigée par Dean Fergusson, scientifique principal et directeur du programme d’épidémiologie clinique de l’Hôpital d’Ottawa, et Michaël Chassé, titulaire d’une bourse de perfectionnement en recherche clinique à l’Hôpital d’Ottawa et professeur adjoint d’anesthésiologie et de soins intensifs à l’Université Laval. L’étude a été effectuée en collaboration avec Jason Acker, chercheur principal en développement au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et chargé de cours au département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l’Alberta, à Edmonton. Ont également participé à l’étude d’autres chercheurs du programme d’épidémiologie clinique et d’autres départements de l’Hôpital d’Ottawa, à savoir Alan Tinmouth, scientifique clinique et chef du département d’hématologie générale et de médecine transfusionnelle de l’Hôpital d’Ottawa, professeur adjoint au département de médecine et au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université d’Ottawa, et médecin consultant de la Société canadienne du sang, et Nadine Shehata, scientifique et responsable médicale de la Société canadienne du sang basée à l’Hôpital Mount Sinai, à Toronto.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Chassé M, Tinmouth A, Acker JP, English SW, Wilson K, Knoll G, Shehata N, van Walraven C, McIntyre L, Forster A, Ramsay T, Fergusson D. Association of blood donor age and sex with recipient survival after red blood cells transfusion. JAMA IM 2016.
Remerciements : Cette recherche a été financée par la Société canadienne du sang, le gouvernement fédéral (Santé Canada), les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé et les Instituts de recherche en santé du Canada. Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. Cette étude a été rendue possible grâce à un important travail de collaboration entre la Société canadienne du sang, l’Institut de recherche en services de santé de l’Ontario et l’entrepôt de données de l’Hôpital d’Ottawa.
La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang et les patients qui ont permis de mener cette étude.
Mots clés : globules rouges, transfusion, résultats, donneur, sexe, âge
Pour en savoir plus : Veuillez communiquer avec Dean Fergusson dafergusson@ohri.ca ou Dr. Jason Acker jason.acker@blood.ca
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.