Adoucir les transfusions aux nourrissons
En bref ...
L’étude avance que l’ajout d’une solution de dextrose à des globules rouges ne les dégraderait pas.
Ces résultats revêtent une grande importance pour les transfusions aux enfants prématurés.
Afin de l’éviter, on injecte parfois au bébé une solution de dextrose (sucre) par intraveineuse. Idéalement, cette injection accompagne celle des GR, sans quoi il faut trouver un autre accès intraveineux, un immense défi sur des êtres si petits. Malheureusement, l’injection conjointe d’une solution de dextrose et des GR soulève des inquiétudes concernant leur dégradation, et c’est pourquoi les lignes directrices cliniques déconseillent cette méthode.
Certaines études expérimentales en laboratoire laissent penser que le dextrose ne nuit pas aux GR, mais les limites inhérentes à ces travaux retardent l’acceptation générale de leurs résultats et leur mise en pratique. Les chercheurs de l’étude dont nous rendons compte ici ont conçu et mené un essai exhaustif afin d’examiner l’effet d’un tel mélange de dextrose et de GR. Leur objectif était de vérifier la possibilité de faire une transfusion conjointe par le même accès intraveineux.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
L’étude réalisée dans un laboratoire de recherche de la Société canadienne du sang tâchait de reproduire les conditions réelles d’une unité de soins néonatals intensifs (USNI). Préparées selon les normes de la Société canadienne du sang, les doses de GR ont été réfrigérées dans une solution de conservation, puis irradiées préalablement à l’essai. Cette pratique courante vise à prévenir une rare complication en vertu de laquelle les globules blancs du donneur attaquent les organes et tissus du receveur. Des essais ont été réalisés sur des doses conservées 5, 14 et 21 jours afin de simuler la réalité des transfusions de GR aux bébés dans les USNI du Canada. Chaque essai s’est déroulé en deux étapes :
- Étape 1 : Les chercheurs ont « co-injecté » les GR avec différentes solutions de dextrose dans l’équipement de transfusion, le même que celui d’une USNI. Les proportions de GR et de dextrose et la vitesse d’injection ont aussi reproduit celles d’une USNI. Ensuite, les GR ont été prélevés et examinés pour trouver d’éventuelles anomalies.
- Étape 2 : Les chercheurs ont mélangé les GR aux différentes solutions de dextrose hors de l’équipement de transfusion, puis cherché des traces de dégradation après 5, 30 et 180 minutes. Ces durées correspondent à celles des transfusions lente (5 minutes), différée (30 minutes) et entièrement suspendue (180 minutes). Toutes ces situations sont possibles lors d’une transfusion à un enfant en bas âge.
Dans les deux cas, l’injection des GR seuls et celle des GR accompagnés d’une solution saline ont servi de mesure de contrôle.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Étape 1 : La dégradation a principalement été évaluée en fonction du nombre de GR détruits (hémolyse) et de leur volume, forme et souplesse. Aucune différence liée à ces critères n’a été remarquée entre l’injection conjointe de GR avec les différentes solutions de dextrose et celle des échantillons témoins. La co-injection des GR et des solutions de dextrose dans l’équipement de transfusion ne dégraderait donc pas les GR, quelle que soit la solution de dextrose injectée.
- Étape 2 : À 30 et à 180 minutes, le volume de GR dans les solutions de dextrose était plus grand que dans les échantillons témoins, mais après 180 minutes, les GR dans les solutions de dextrose présentaient une dégradation plus prononcée (évaluée selon l’hémolyse) que les GR seuls. En ce qui concerne les différentes solutions de dextrose, la solution identifiée par D10W comportait le moins de signes de dégradation des GR, surtout selon l’hémolyse.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Selon les résultats de l’étape 1, le degré de dégradation des GR reste acceptable, qu’il soit question d’une solution de dextrose ou saline. Ceux de l’étape 2 laissent toutefois croire que les GR se dégradent s’ils baignent trop longtemps dans une solution de dextrose. Si la pertinence de l’essai s’explique notamment par sa reproduction plutôt fidèle des conditions de transfusion courantes dans les USNI du monde, il n’a pas été possible d’évaluer toutes les conditions, tous les équipements, ni tous les débits de transfusion. À la lumière des résultats encourageants de l’étape 1, on devrait se pencher sur la possibilité de co-injecter les GR avec une solution de dextrose dans une USNI. Quant à l’étape 2, elle indique que la solution D10W suffirait à conserver un degré de qualité acceptable. Avant toutefois de rédiger de nouvelles lignes directrices, la prudence est de mise, car il subsiste des zones obscures quant à l’effet du mélange des GR à une solution de dextrose pendant une période prolongée.
À propos de l’équipe de recherche
Clinicienne et chercheuse, Amy Keir effectue un stage en médecine néonatale et périnatale au département de pédiatrie de l’Université de Toronto. Adele Hansen est chef de projet au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et travaille au laboratoire du Dr Jason Acker, à l’Université de l’Alberta. Jeannie Callum est chercheuse adjointe à l’Institut de recherche Sunnybrook, directrice de la médecine transfusionnelle et de la banque de tissus du Centre des sciences de la santé Sunnybrook et professeure adjointe au service de médecine de laboratoire et de pathobiologie de l’Université de Toronto. Robert Jankov est un scientifique chevronné de l’Institut de recherche de l’Hospital for Sick Children, professeur agrégé au département de pédiatrie et de physiologie de l’Université de Toronto et expert clinique et membre du personnel de l’Hospital for Sick Children de Toronto. Jason Acker est directeur associé au développement et chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang. Il est également professeur agrégé au département de médecine de laboratoire et de pathologie de l’Université de l’Alberta.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Keir, A., A. Hansen, J. Callum, R. P. Jankov et J.P. Acker. « Coinfusion of Dextrose-containing fluids and red cell concentrates does not adversely affect in vitro red blood cell quality. », Transfusion, 28 mars 2014, doi: 10.1111/trf.12618, 2014.
Remerciements : Cette étude a été réalisée grâce à une subvention de la Société canadienne du sang, elle-même financée par les ministères de la Santé des gouvernements provinciaux et territoriaux, à une bourse de formation médicale du Medical Insurance Group of Australia, au fonds de démarrage de l’Institut de formation et de recherche SickKids et au programme de bourses pour la formation du service de néonatologie de l’Université de Toronto. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang d’avoir rendu cette recherche possible.
Mots clés : globules rouges, transfusion, dextrose, hémolyse, nouveau-nés, alimentation.
Pour en savoir plus? Veuillez communiquer avec Jason Acker à jason.acker@blood.ca.