Double greffé d’un rein, il vit pleinement sa vie pour honorer ses donneurs

1 août 2024
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Two-time kidney recipient standing on hilltop in Hawaii

Grâce à un programme pour patients hyperimmunisés difficiles à jumeler, Stefan Baldwinson obtient sa deuxième greffe

En septembre prochain, Stefan Baldwinson embarquera pour une croisière de l'Angleterre à l'Espagne, avec une escale au Maroc. Il a déjà beaucoup voyagé, mais il est impatient de découvrir l'Afrique. Ce sera également son premier voyage en près de 20 ans qui ne sera pas interrompu par des visites de plusieurs heures dans une clinique de dialyse tous les deux jours, et cela grâce à son deuxième donneur d'organes et au programme pour les patients difficiles à jumeler qui les a réunis. 

Le parcours de santé complexe de Stefan a commencé au début des années 1980, alors qu'il était un jeune étudiant à l'Université de Calgary. Il avait repoussé son examen médical et sa mère l'exhortait à prendre rendez-vous. Lorsqu'il l'a finalement fait, le médecin a tout de suite su que quelque chose n'allait pas, mais il a fallu attendre encore quelques années avant de connaître tous les détails. 

« On a fini par me diagnostiquer des problèmes rénaux causés par le lupus, raconte Stefan. Je pensais être en assez bonne santé. J'étais un jeune homme de 20 ans qui faisait ce qu'on fait à 20 ans : sortir, faire du sport, boire une bière ou deux. J'ai été un peu surpris d'apprendre tout ce qui allait se passer à l'avenir. » 

Le parcours vers la première greffe de rein 

Le lupus est une maladie chronique qui pousse le système immunitaire d’une personne à attaquer ses propres organes et tissus. Dans le cas de Stefan, ce sont ses reins qui ont été touchés. Cinq ans après le diagnostic, il a commencé une dialyse régulière, un processus qui élimine les déchets et l'excès de liquide du sang lorsque les reins sont incapables de le faire. 

« D'une certaine manière, je me suis senti chanceux, car la science médicale avait progressé au point de me permettre de vivre dans ces conditions, explique Stefan. Même quelques décennies plus tôt, cela aurait été une condamnation à mort. » 

Stefan s'est également estimé chanceux car, au moment de commencer la dialyse, il avait terminé ses études d'informatique et avait un emploi dans son domaine qui pouvait s'adapter à ses besoins médicaux. Il a même trouvé des façons de voyager. Il a visité Vancouver, où il a utilisé une clinique de dialyse pour voyageurs, ainsi qu’Hawaï, où il a été dialysé dans les hôpitaux d'Honolulu et de Big Island. 

Entre-temps, il s’était inscrit sur la liste d'attente pour les dons de rein. En 1990, à l'âge de 27 ans, il a été jumelé et l'opération a été un succès. 

« À cet âge, il était assez facile de se remettre d'une opération. J'étais sur pied en une semaine, se souvient Stefan. Je m'ennuyais beaucoup parce qu'ils voulaient que je reste à l'hôpital pendant deux semaines. Dès la deuxième semaine, je courais partout et je livrais des plateaux-repas aux autres patients. » 

Les péripéties de la vie après une greffe de rein 

Après la greffe, l'absence soudaine de dialyse a changé la vie de Stefan. Il a voyagé. Il s'est marié. Mais la route est devenue plus cahoteuse au fil du temps. Les médicaments destinés à prévenir le rejet d’un organe augmentent le risque de cancer et, environ dix ans après sa greffe, Stefan a fait un cancer qui a nécessité une chimiothérapie. 

Stefan savait également depuis le début que les reins transplantés ne durent pas éternellement. Il n'a donc pas été totalement surpris d'apprendre qu'il souffrait d'une insuffisance rénale quelques années après le diagnostic de cancer. 

La solution logique était une deuxième greffe de rein. Mais il y avait un problème. Stefan était désormais « hyperimmunisé », c'est-à-dire qu'il possédait un grand nombre d'anticorps qui le rendaient plus susceptible de rejeter un nouvel organe. Ce phénomène est plus fréquent chez les patients qui ont déjà eu une greffe d'organe ou des transfusions sanguines. Stefan présentait les deux risques, entre sa première greffe et les nombreuses transfusions qu'il avait reçues pendant son traitement contre le cancer. Le fait d'être hyperimmunisé réduit le nombre de donneurs avec lesquels un patient peut être compatible, car il a besoin d'un rein dépourvu de marqueurs biologiques qui inciteraient ses anticorps à l'attaquer. 

Stefan sitting on a balcony in Playa del Carmen
Stefan lors de l'un de ses nombreux voyages à Playa del Carmen, où il a pu utiliser une clinique de dialyse locale. 

Heureusement, Stefan n'était pas pressé d’avoir une greffe à ce moment-là. Il estimait que son corps avait beaucoup souffert du traitement du cancer. Et comme il avait déjà eu recours à la dialyse, il savait qu'il pouvait le faire à nouveau. Cette fois, il a suivi une formation pour la dialyse à domicile, de sorte qu'au lieu de se rendre dans une clinique, il pouvait faire fonctionner une machine pendant huit heures chaque nuit pendant qu'il dormait. Il a également fait preuve de créativité dans ses déplacements. Il a découvert une clinique de dialyse à Playa del Carmen, au Mexique, ce qui lui a permis d'y passer des vacances avec des amis tous les ans pendant une dizaine d’années. Il a même trouvé des croisières proposant la dialyse à bord. 

La recherche d'un deuxième donneur de rein compatible 

Au fil du temps, la dialyse avait toutefois fait des ravages dans le corps de Stefan. Une douzaine d'années après sa première greffe de rein, son médecin lui annonce qu’il devra en demander une deuxième s'il veut vivre le plus longtemps possible. Il lui a également parlé du Programme des patients hyperimmunisés de la Société canadienne du sang, qui aide à trouver des donneurs compatibles pour des patients comme lui en élargissant la recherche de donneurs au-delà de la province de résidence du patient. 

Lorsqu’un donneur décédé, où qu’il se trouve au Canada, possède deux reins viables en vue d’une greffe, l’un d’entre eux est proposé au Programme des patients hyperimmunisés pour vérifier s’il est compatible avec une personne inscrite au programme. Si le rein n’est compatible avec aucun d’entre eux, il est mis à la disposition d’une autre personne en attente. Le programme a débuté en 2014 et a permis de réaliser sa 1 000e greffe en juillet 2024. 

Kidney icon

Le Programme des patients hyperimmunisés atteint 1 000 greffés!

La Société canadienne du sang, au nom de la communauté canadienne des dons et greffes d’organe et de tissus (DGOT), est heureuse d’annoncer que le Programme des patients hyperimmunisés a réalisé 1 000 greffes. Ces 1 000 greffes représentent 1 000 personnes qui, autrement, n’auraient probablement pas reçu de greffe parce qu’elles avaient besoin d’une compatibilité très spécifique.

En attendant son deuxième jumelage, Stefan est resté fidèle à sa philosophie habituelle, « vivre au jour le jour ». Il ne voulait pas planifier sa vie en fonction d’un appel qui ne viendrait peut-être jamais. Mais en août 2023, juste après les 60 ans de Stefan, l’appel est venu. Il est aujourd’hui bien remis de sa deuxième greffe de rein et espère que ce nouveau rein fonctionnera pendant encore 15 à 20 ans. 

Tout au long de son parcours, Stefan est resté déterminé à vivre pleinement sa vie malgré la maladie, et il continue de le faire. 

« Cela ne m’a pas arrêté. J’ai trouvé des choses que je pouvais faire, explique Stefan. J’ai vu des jeunes dans l’unité de dialyse sombrer dans une véritable dépression. C’est difficile à voir. Je me suis simplement dit que je ferais de mon mieux dans ces circonstances et que je verrais bien où cela me mènerait. » 

C’est en partie sa façon d’honorer ses donneurs et leurs familles. Presque toutes les greffes de patients hyperimmunisés proviennent de donneurs décédés, et la deuxième greffe de Stefan n’a pas fait exception à la règle. Il sait bien qu’au moment où il retrouvait la vie et l’espoir, d’autres personnes vivaient un deuil terrible. 

« J’y pense souvent, car la personne qui a fait le don leur manque probablement. C’est une chose triste qui s’est produite, déclare Stefan. Je veux faire le plus possible avec ce rein, car quelqu’un a payé un grand prix pour que je l’obtienne. Il est très important de ne pas rester les bras croisés et de ne pas gaspiller le temps qui m’a été donné. » 

Environ 20 % des personnes inscrites sur les listes d’attente provinciales sont hyperimmunisées et en attente d’une greffe de rein. Pourtant, ces personnes reçoivent moins de 1 % des organes disponibles. Le nombre de donneurs étant limité dans leur propre province, les patients hyperimmunisés doivent généralement attendre beaucoup plus longtemps que les autres pour une greffe de rein, ce qui augmente leurs risques de maladie et de décès pendant l’attente. En donnant accès à tous les donneurs au pays, le Programme des patients hyperimmunisés offre de meilleures chances de trouver un donneur compatible pour les patients difficiles à jumeler. En savoir plus

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