Plasma : c’est dans la poche
En bref ...
Le temps de préparation influe sur la qualité du plasma récupéré. On pourrait améliorer la production d’immunoglobulines en réduisant le délai maximal entre le don de sang et la fabrication du plasma.
Le gros du plasma expédié pour être transformé en médicaments biologiques provient de dons de plasma faits par aphérèse (on appelle ce plasma « plasma source »). Le plasma extrait de dons de sang total (« plasma récupéré ») peut aussi être utilisé pour le fractionnement, mais la plus grande partie de ce plasma est utilisé pour la transfusion. Le plasma pour transfusion doit être préparé et congelé dans les 24 heures suivant le don, tandis que le plasma récupéré doit être traité dans les 72 heures. Le plasma pour transfusion a fait l’objet d’études et est réglementé, alors qu’en ce qui concerne le plasma récupéré pour le fractionnement, aucune norme ne régit sa qualité biologique ni sa teneur en protéines.
Dans cette étude, les chercheurs ont défini les caractéristiques du plasma récupéré préparé selon les deux méthodes qu’utilise la Société canadienne du sang : l’extraction de la couche leucoplaquettaire et la filtration du sang total. Ils ont également vérifié si le fait d’étirer le délai entre le don de sang et l’extraction du plasma avait un effet sur la qualité du produit plasmatique.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
L’étude consistait à évaluer et à comparer les trois types de plasma récupéré :
- le plasma récupéré préparé par extraction de la couche leucoplaquettaire dans les 24 heures suivant le don;
- le plasma récupéré préparé par filtration du sang total dans les 48 heures suivant le don;
- le plasma récupéré préparé par filtration du sang total dans un délai de 48 à 72 heures suivant le don.
Le plasma récupéré a été préparé dans quatre centres de production du Canada et expédié à un laboratoire central où a été étudiée l’activité des facteurs plasmatiques importants pour la coagulation. Les chercheurs ont mesuré le temps de prothrombine, qui évalue si la coagulation se fait efficacement, ainsi que la quantité de protéines et la concentration en immunoglobulines, lesquelles sont utilisées pour la fabrication d’IgIV.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
Tout le plasma récupéré respectait les seuils de qualité établis par les organismes de réglementation canadiens pour le plasma congelé. Les chercheurs ont comparé le plasma récupéré préparé selon les deux méthodes (extraction de la couche leucoplaquettaire et filtration du sang total) et n’ont vu aucune différence dans l’activité des facteurs de coagulation (F)VII, de fibrinogène, de prothrombine ou de von Willebrand.
Ils ont cependant constaté que le délai entre le don de sang et la fabrication du plasma influait sur la qualité du plasma filtré du sang total. Ils ont fait les observations suivantes :
- Étonnamment, les taux d’immunoglobulines – et, par conséquent, la production d’IgIV, important médicament dérivé du plasma – étaient de 15 % inférieurs dans les dons de sang conservés pendant une longue période (72 heures). Lorsque le sang était traité dans les 48 heures après le don, les taux d’IgIV étaient plus élevés.
- L’activité du facteur VIII était plus faible lorsque le délai entre le don de sang et le traitement était plus long (72 heures).
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Auparavant, le fractionnement du plasma découlait de la nécessité de maximiser le rendement du facteur VIII, d’obtenir des concentrés pour traiter les patients souffrant d’hémophilie. De nos jours, toutefois, de nombreux hémophiles sont traités au moyen de FVIII recombinant (fabriqué en laboratoire), donc ce besoin n’est plus aussi pressant. Par contre, on observe depuis quelques années que les besoins en IgIV augmentent de façon constante, et il y a de fortes chances que la tendance se poursuive. La production d’immunoglobulines est, par conséquent, devenue la raison la plus importante de fractionner le plasma. Les résultats de cette étude indiquent qu’il serait possible d’obtenir, en moyenne, environ 15 % d’immunoglobulines de plus pour le fractionnement si le délai maximum autorisé entre le don de sang et la préparation du plasma récupéré était réduit à 48 heures. Le coût élevé des immunoglobulines et les faibles taux d’autosuffisance du Canada justifieraient un changement dans la pratique.
Au Canada, comme partout dans le monde, la demande et l’utilisation de médicaments dérivés du plasma ne cessent d’augmenter. Pour répondre à cette hausse et continuer d’assurer l’approvisionnement pour les patients canadiens, la Société canadienne du sang augmente la quantité de plasma qu’elle collecte par aphérèse. Bien que ce plasma demeure la principale source de plasma pour le fractionnement, l’étude fournit de l’information précieuse sur la qualité et les caractéristiques du plasma récupéré produit par la Société canadienne du sang. Étudier ce qu’il y a dans la poche nous permet d’obtenir des données de référence utiles pour continuer d’améliorer nos produits et pour maximiser la valeur des dons de sang, que nous recevons toujours avec gratitude.
À propos de l’équipe de recherche
L’étude a été réalisée par William Sheffield, directeur adjoint de la recherche au Centre d’innovation, chercheur à la Société canadienne du sang et professeur au département de pathologie et de médecine moléculaire de l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario; Varsha Bhakta, assistante de recherche principale au laboratoire de William Sheffield, et Craig Jenkins, responsable principal du développement de produits et de procédés au Centre d’innovation.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Sheffield WP, Bhakta V, & Jenkins C: Extending the pre-processing holding time of whole blood beyond 48 h reduces coagulation FVIII activity and immunoglobulin G content of recovered plasma. Transf Apher Sci 2018; https://doi.org/10.1016/j.transci.2018.09.016.
Remerciements : Cette étude a reçu une subvention du Centre d’innovation de la Société canadienne du sang, lui-même financé par le gouvernement fédéral (Santé Canada) et les ministères de la Santé provinciaux et territoriaux. Les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement celles des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang qui ont permis de mener cette recherche.
Mots-clés : plasma, qualité, fractionnement, IgIV, immunoglobulines, coagulation
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec William Sheffield à william.sheffield@blood.ca.